Russell Éloge de l’oisivetĂ©. Routledge and The Bertrand Russell Peace Fondation, 1932. Traduction française: Éditions Allia, Paris, 2002. britannique nĂ© en 1872 et mort 1970. Il est issu de la petite noblesse anglaise et a Ă©tĂ© Ă©levĂ© dans le respect de la tradition, le goĂ»t de la culture et la recherche de la connaissance. Il mĂšne une vie extrĂȘmement riche et

Ainsi que la plupart des gens de ma génération, jñ€ℱai été élevé selon le principe que lñ€ℱoisiveté est mÚre de tous les vices. Comme jĂąâ‚Źâ„ąĂƒÂ©tais un enfant pétri de vertu, je croyais tout ce quñ€ℱon me disait, et je me suis ainsi doté dñ€ℱune conscience qui mñ€ℱa contraint à peiner au travail toute ma ñ€©Pour parler sérieusement, ce que je veux dire, cñ€ℱest que le fait de croire que le TRAVAIL en lettres majuscules dans le texte est une vertu est la cause de grand maux dans le monde moderne, et que la voie du bonheur et de la prospérité passe par une diminution méthodique du travail.ñ€©Il existe deux types de travail le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matiÚre se trouvant à la surface de la Terre, ou dans le sol mÃÂȘme ; le second, à dire à quelquñ€ℱun dñ€ℱautre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé. Le second type est agréable et trÚs bien payé. Le second type de travail peut sĂąâ‚Źâ„ąĂƒÂ©tendre de façon illimitée il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre dñ€ℱordres à donner.ñ€©Quand je suggÚre quñ€ℱil faudrait réduire à quatre le nombre dñ€ℱheures de travail, je ne veux pas laisser entendre quñ€ℱil faille dissiper en pure frivolité tout le temps quñ€ℱil reste. Je veux dire quñ€ℱen travaillant quatre heures par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et quñ€ℱil devrait pouvoir disposer de son temps comme bon lui semble.ñ€©Autrefois, il existait une classe oisive assez restreinte et une classe laborieuse plus considérable. La classe oisive bénéficiait dñ€ℱavantages qui ne trouvaient aucun fondement dans la justice sociale, ce qui la rendait nécessairement despotique, limitait sa compassion, et lñ€ℱamenait à inventer des théories qui pussent justifier ses privilÚges. Ces caractéristiques flétrissaient quelque peu ses lauriers, mais, malgré ce handicap, cñ€ℱest à elle que nous devons la quasi totalité de ce que nous appelons la civilisation. Elle a cultivé les arts et découvert les sciences ; elle a écrit les livres, inventé les philosophies et affiné les rapports sociaux. MÃÂȘme la libération des opprimés a généralement reçu son impulsion dñ€ℱen haut. Sans la classe oisive, lñ€ℱhumanité ne serait jamais sortie de la barbarie.ñ€©Les méthodes de production, modernes, nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans lñ€ℱaisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misÚre pour les autres en cela, nous nous sommes montrés bien bÃÂȘtes, mais il nñ€ℱy a pas de raison pour persévérer dans notre bÃÂȘtise indé Russell

Dansce texte Russel ne fait pas vraiment l'éloge de l'oisiveté, mais il dit qu'il ne faut pas valoriser le travail à outrance. Travailler plus ce n'est pas une idée qui vient de soi, mais c'est un concept ancien qu'on a inculqué aux peuples.
En fait, c'est dans son incertitude mĂȘme que rĂ©side largement la valeur de la philosophie. Celui qui ne s'y est pas frottĂ© traverse l'existence comme un prisonnier prisonnier des prĂ©jugĂ©s du sens commun, des croyances de son pays ou de son temps, de convictions qui ont grandi en lui sans la coopĂ©ration ni le consentement de la raison. Tout dans le monde lui paraĂźt aller de soi, tant les choses sont pour lui comme ceci et pas autrement, tant son horizon est limitĂ©; les objets ordinaires ne le questionnent pas, les possibilitĂ©s peu familiĂšres sont refusĂ©es avec mĂ©pris. Mais [...] Ă  peine commençons-nous Ă  philosopher que mĂȘme les choses de tous les jours nous mettent sur la piste de problĂšmes qui restent finalement sans rĂ©ponse. Sans doute la philosophie ne nous apprend-elle pas de façon certaine la vraie solution aux doutes qu'elle fait surgir mais elle suggĂšre des possibilitĂ©s nouvelles, elle Ă©largit le champ de la pensĂ©e en la libĂ©rant de la tyrannie de l'habitude. Elle amoindrit notre impression de savoir ce que sont les choses; mais elle augmente notre connaissance de ce qu'elles pourraient ĂȘtre; elle dĂ©truit le dogmatisme arrogant de ceux qui n'ont jamais traversĂ© le doute libĂ©rateur, et elle maintient vivante notre facultĂ© d'Ă©merveillement en nous montrant les choses familiĂšres sous un jour inattendu. Mais Ă  cĂŽtĂ© de cette fonction d'ouverture au possible, la philosophie tire sa valeur - et peut-ĂȘtre est-ce lĂ  sa valeur la plus haute - de la grandeur des objets qu'elle contemple, et de la libĂ©ration Ă  l'Ă©gard de la sphĂšre Ă©troite des buts individuels que cette contemplation induit ». Bertrand Russell. ProblĂšmes de philosophie. 1912 Payot 1989, p. ThĂšme La philosophie. Questions Qu'est-ce qui fait la valeur de la philosophie ? N'a-t-elle pas plusieurs vertus ? Lesquelles ? ThĂšse La valeur de la philosophie ne tient pas Ă  sa capacitĂ© Ă  rĂ©pondre aux questions qu'elle affronte. A l'inverse de la science qui parvient Ă  des rĂ©sultats positifs, la philosophie ne construit pas de savoirs positifs. Les questions qu'elles posent demeurent ouvertes car son champ de rĂ©flexion est le problĂ©matique. Il s'ensuit qu'elle cultive l'incertitude mais c'est largement» ce qui fait sa valeur. Celle-ci se dĂ©cline de deux maniĂšres D'une part le doute philosophique est ouverture au possible. D'autre part il Ă©largit des frontiĂšres du Moi en le dissolvant dans la contemplation de l'infinitĂ© de l'univers. Il est ainsi le vecteur d'une sĂ©rĂ©nitĂ© et d'une libertĂ© intĂ©rieure que seul peut connaĂźtre un spectateur dĂ©sintĂ©ressĂ© du monde. Eclaircissements Ce texte propose un Ă©loge de la philosophie car ce qui a de la valeur, c'est ce qui inspire le respect ou l'estime. Or paradoxalement, la valeur de la philosophie ne tient pas Ă  ce qu'elle fait grandir la science des hommes et comble l'esprit dans son dĂ©sir de savoir. Sa valeur rĂ©side dans son incertitude. Notons que la prĂ©cision "largement" contient une rĂ©serve. L'incertitude n'Ă©puise pas la valeur de la philosophie mais elle en est une dimension essentielle. Qu'est-ce donc que l'incertitude et en quoi est-ce une vertu ? L'incertitude est le propre d'un esprit qui ne peut pas adhĂ©rer Ă  un contenu de pensĂ©e parce qu'il a conscience de sa faiblesse thĂ©orique. Ne satisfaisant pas aux exigences rigoureuses de la vĂ©ritĂ©, celui-ci demeure douteux. Etre incertain consiste donc Ă  ĂȘtre travaillĂ© par le doute. En ce sens, l'esprit philosophique est le contraire d'un esprit dogmatique. Il s'Ă©tonne, interroge et cherche une vĂ©ritĂ© capable de rĂ©sister aux objections des sceptiques. Bertrand Russell montre que cette attitude est Ă  l'opposĂ© de l'attitude spontanĂ©e. Aussi dĂ©crit-il, en termes quasi platoniciens, les caractĂ©ristiques de l'homme Ă©tranger au questionnement philosophique. Celui-ci est un prisonnier. L'auteur Ă©numĂšre la nature des chaĂźnes le retenant prisonnier et nous apprenons que ce sont Les prĂ©jugĂ©s du sens commun. Les croyances de son temps et de son pays. L'habitude qui rend familier le monde environnant. Au fond, Russell pointe les mĂȘmes pesanteurs que celles que Platon indique dans l'allĂ©gorie de la caverne. AntĂ©rieurement Ă  l'Ă©veil philosophique, l'esprit est le jouet de divers conditionnements. Il a une passivitĂ© propice aux redoutables sĂ©ductions du doxique. Les choses lui semblent aller de soi, et il croit tellement qu'elles sont comme on les dit couramment qu'il oublie de se demander si on les dit comme elles sont. Russell insiste sur ce carcan des convictions qui ont grandi en lui sans la coopĂ©ration ni le consentement de sa raison ». Comme Platon et Descartes, il Ă©pingle la fatalitĂ© de l'enfance qui fait qu'on a absorbĂ© avec le lait maternel et l'apprentissage d'une langue, quantitĂ© de croyances Ă  l'Ă©laboration desquelles la raison n'a pas concouru. Il s'ensuit que l'esprit est toujours dĂ©jĂ  vieux de ce qu'il a inconsciemment incorporĂ© de telle sorte que penser revient Ă  se rĂ©veiller de cette somnolence et Ă  dire non Ă  un impensĂ© se donnant Ă  tort pour une pensĂ©e personnelle. Car l'inertie intellectuelle a ceci de prĂ©judiciable qu'elle confĂšre l'autoritĂ© d'Ă©vidences aux prĂ©jugĂ©s les plus dĂ©nuĂ©s de fondement rationnel. L'Ă©vidence est le caractĂšre d'Ă©noncĂ©s dont la vĂ©ritĂ© saute aux yeux. DĂšs lors comment douter de ce qui paraĂźt Ă©vident ? Le sentiment de l'Ă©vidence rend impermĂ©able au doute. Et l'inaptitude au doute va de pair avec l'Ă©troitesse d'esprit car tant qu'on est persuadĂ© de possĂ©der la vĂ©ritĂ©, on n'est pas enclin Ă  remettre en question ses certitudes. Les convictions opposĂ©es sont d'emblĂ©e disqualifiĂ©es. L'esprit passif est adhĂ©rent et bornĂ©. Il adhĂšre tellement qu'il est indisponible Ă  d'autres maniĂšres de penser que les siennes au point de leur opposer une fin de non recevoir mĂ©prisante. Manque d'imagination. Que l'on puisse avoir tort n'effleure mĂȘme pas. Suffisance et sottise du dogmatisme. La philosophie affranchit de cette misĂšre intellectuelle et morale. Elle suggĂšre des possibilitĂ©s nouvelles, elle Ă©largit le champ de la pensĂ©e en la libĂ©rant de la tyrannie de l'habitude ». Il n'y a rien de pire qu'une Ăąme habituĂ©e affirme Russell en Ă©cho Ă  PĂ©guy. Une Ăąme habituĂ©e est une Ăąme morte. Elle est tellement victime de la familiaritĂ© des significations dont elle est la caisse de rĂ©sonance qu'elle a perdu toute capacitĂ© d'Ă©tonnement et toute libertĂ© de faire surgir des significations ayant leur source dans sa propre activitĂ©. Or qu'est-ce que la pensĂ©e en l'homme ? C'est la fonction du possible. Le possible c'est ce qui n'est pas mais peut ĂȘtre. C'est ce qui existe dans la reprĂ©sentation avant de l'ĂȘtre dans la rĂ©alitĂ© si d'aventure l'homme se mĂȘle de faire exister ce qu'il a commencĂ© Ă  imaginer ou Ă  projeter. La reprĂ©sentation du possible est donc capacitĂ© de s'affranchir des limites du rĂ©el pour se projeter vers ce qui a son principe dans l'esprit humain. Tout contexte culturel est ainsi structurĂ© par un imaginaire propre Ă  un peuple donnĂ© et l'expĂ©rience montre que les imaginaires sont multiples et divers. Etre habituĂ© consiste Ă  ĂȘtre prisonnier d'un imaginaire singulier au point d'avoir perdu la possibilitĂ© de le confronter Ă  d'autres imaginaires et d'en interroger la valeur de vĂ©ritĂ©. A l'inverse, philosopher c'est faire retour sur l'esprit pour dĂ©voiler le monde comme un esprit ou une libertĂ© peut le faire. C'est par exemple opposer Ă  l'ordre de l'ĂȘtre celui du devoir-ĂȘtre et cela consiste Ă  juger le monde auquel on appartient, en substituant aux normes sociales convenues, les normes spirituelles et morales. C'est envisager d'autres significations et d'autres valeurs que celles qui sont, elles aussi, convenues. Cette libertĂ© n'est rendue possible que par un effort d'affranchissement de la tyrannie de l'habitude ». Avec le mot tyrannie », l'auteur insiste sur la force et l'arbitraire du pouvoir qui asservit l'esprit Ă  son insu. Comme Platon, il fait gloire Ă  la philosophie de dĂ©stabiliser le dogmatisme arrogant de ceux qui n'ont jamais traversĂ© le doute libĂ©rateur » et de promouvoir ainsi une vĂ©ritable libĂ©ration intellectuelle et morale. Mais ce n'est pas tout. La philosophie a encore un mĂ©rite plus grand, une valeur plus haute. Non seulement elle fait respirer l'air de la libertĂ© intellectuelle et morale mais elle a encore l'avantage d'Ă©largir les intĂ©rĂȘts du Moi Ă  une dimension telle que ceux-ci perdent toute consistance. Russell dĂ©crit ici l'ascĂšse des prĂ©occupations du Moi individuel que produit la philosophie par la seule efficacitĂ© de la contemplation de son objet. Son objet est la vĂ©ritĂ©, l'Etre dans sa totalitĂ© et ces objets sont proprement infinis. Dans la lumiĂšre de cet horizon, le Moi individuel se dĂ©leste de la fonction centrale qu'il occupe dans l'existence Ă©gotiste du sujet non pensant. Les intĂ©rĂȘts privĂ©s sont remis Ă  leur place. Non point qu'ils soient sans intĂ©rĂȘt mais enfin leur caractĂšre dĂ©risoire dans l'infinitĂ© de l'univers apparaĂźt au grand jour. Et il y a dans cette dĂ©couverte une libĂ©ration inouĂŻe des soucis qui empoisonnent d'ordinaire la vie des hommes. Vus d'une certaine hauteur ceux-ci se relativisent et l'agitation inquiĂšte des existences quotidiennes bornĂ©es, l'angoisse s'apaisent, laissant place Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ©, au dĂ©tachement et Ă  l'impassibilitĂ© d'une existence consacrĂ©e Ă  la recherche de la vĂ©ritĂ© impersonnelle. Il y a lĂ  une expĂ©rience attestĂ©e par de nombreux grands penseurs et savants. Je commençais Ă  m'apercevoir, avouait dans le mĂȘme esprit Einstein, qu'au-dehors se trouve un monde immense qui existe indĂ©pendamment de nous autres ĂȘtres humains, et qui se tient devant nous comme une grande et Ă©ternelle Ă©nigme mais accessible, au moins en partie Ă  notre perception et Ă  notre pensĂ©e. Cette considĂ©ration me fit entrevoir une vĂ©ritable libĂ©ration et je me rendis bientĂŽt compte que les hommes que j'avais appris Ă  estimer et Ă  admirer avaient trouvĂ©, en s'abandonnant Ă  cette occupation, la libĂ©ration intĂ©rieure et la sĂ©rĂ©nitĂ© ». De mĂȘme FrĂ©dĂ©ric Joliot disait que La pure connaissance scientifique nous apporte la paix dans l'Ăąme en chassant les superstitions, en nous affranchissant des terreurs nuisibles et nous donne une conscience de plus en plus exacte de notre situation dans l'univers ».Conclusion La philosophie peut s'honorer par sa fonction critique d'affranchir de l'arrogance du dogmatisme et de l'Ă©troitesse d'esprit de l'attitude commune. Mais plus fondamentalement la libĂ©ration qu'elle promeut opĂ©re une transformation radicale de l'existence. Elle permet Ă  celui qui s'y adonne de conquĂ©rir la paix de l'Ăąme et la sagesse qui sont la rĂ©compense Russell dit "l'effet induit" d'un amour dĂ©sintĂ©ressĂ© de la vĂ©ritĂ©. 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Elogede l'Oisiveté - de Bertrand Russell (Author) Caractéristiques Eloge de l'Oisivet é. Le tableau ci-dessous sont affichées les faits complÚtes relatives aux Eloge de l'Oisiveté. Le Titre Du Livre: Eloge de l'Oisiveté: Date de Parution: 2002-01-28: Traducteur: Jacy Eiren: Nombre de Pages: 748 Pages: Taille du fichier: 71.74 MB: Langage: Français & Anglais:
Difficile de prĂ©dire ce que sera le travail Ă  horizon 15 ou 20 ans dans un contexte de transformation numĂ©rique. Tout l’enjeu consiste Ă  adapter les modes d’organisations des entreprises Ă  ces ruptures technologiques qui modifient la nature mĂȘme du pu Ă©crire Bertrand Russel 1872-1970 en ces temps de campagne Ă©lectorale oĂč le mot travail » se trouve projetĂ© au centre des dĂ©bats ? En faisant paraitre, en 1932, Eloge de l’oisivetĂ© », le mathĂ©maticien-philosophe, par ailleurs membre de l’aristocratie britannique tout en ayant militĂ© de nombreuses annĂ©es au Parti travailliste, n’avait alors qu’une idĂ©e, certes polĂ©mique promouvoir la baisse du temps de travail au profit d’un temps libre consacrĂ© aux loisirs studieux ». En ces annĂ©es de taylorisme triomphant oĂč les idĂ©ologies socialistes et capitalistes s’opposaient frontalement, Russel choisit d’inscrire sa rĂ©flexion iconoclaste dans une problĂ©matique sociale pour comprendre l’origine des inĂ©galitĂ©s et imaginer une nouvelle organisation politique de la sociĂ©tĂ©. Pour lui, pas de doute, la cause des grands maux dans le monde moderne» provient de l’association malheureuse entre travail » et vertu ». En clair, la glorification de la sueur n’étant destinĂ©e qu’à entretenir une morale d’esclaves » et d’en dĂ©duire qu’à l’ùre de l’abondance » rendue possible par l’industrialisation, la valeur travail se doit d’ĂȘtre le philosophe utopiste, la source du bonheur universel » ne peut advenir que par une baisse significative du temps de travail il va mĂȘme jusqu’à recommander 4 heures par jour
, condition pour que le bonheur et la joie de vivre prennent la place de la fatigue nerveuse, de la lassitude et de la dyspepsie. » Si un tel dĂ©tour philosophique n’a d’autre intĂ©rĂȘt que de rappeler que la question du travail reste plus que jamais au centre des enjeux Ă©conomiques et politiques de nos sociĂ©tĂ©s, le travail », tantĂŽt facteur d’épanouissement personnel ou vu comme enjeu d’aliĂ©nation, n’en finit pas d’évoluer du fait de la diffusion de nouvelles technologies et d’un environnement Ă©conomique mondial du travailEntre ceux qui prĂ©figurent la disparition du salariat et d’autres, plus radicaux, qui annoncent la fin du travail, il est bien sĂ»r impossible de prĂ©dire la future nature de ce que sera le travail dans les 10, 20 ou 50 prochaines annĂ©es. Une chose semble nĂ©anmoins certaine le numĂ©rique, la robotique et l’intelligence artificielle, souvent annoncĂ©s comme destructeurs d’emplois par quelques techno-prophĂštes », devraient ĂȘtre Ă  l’origine d’une mutation et non une disparition du travail. En la matiĂšre, chaque fois que le progrĂšs et les innovations remettent en cause les habitudes, dont celles sur le travail, un discours anxiogĂšne se rĂ©pand, sapant les espoirs placĂ©s dans le progrĂšs technologique. Il y a dĂ©jĂ  plus de vingt ans, l'Ă©conomiste amĂ©ricain Jeremy Rifkin prophĂ©tisait la fin du travail» suite Ă  l’arrivĂ©e massive des robots et de l'informatique. Plus proche de nous, en septembre 2013, les universitaires Carl Benedikt Frey et Michael Osborne faisaient paraitre une Ă©tude alarmiste concluant que prĂšs de 47% des emplois amĂ©ricains Ă©taient potentiellement automatisables Ă  une Ă©chĂ©ance non spĂ©cifiĂ©e, peut-ĂȘtre une dĂ©cennie ou deux ». Depuis, d’autres Ă©tudes plus nuancĂ©es avançant qu’à peine 10% mĂ©tiers seraient en danger du fait de l'automatisation. Comme souvent, bon nombre d’études qui paraissent sur ce sujet se focalisent presque exclusivement sur le passif » en omettant de mettre en lumiĂšre l’actif », en l’occurrence les crĂ©ations d’emplois issues de ces mutations. En suivant ce raisonnement manichĂ©en, il y a fort Ă  parier que nous en serions Ă  encore recenser le millier d’ouvriers soudeurs, forgerons et autres architectes de marine ayant disparu de la construction navale en omettant de citer les millions de nouveaux emplois créés du fait de l’émergence de nouveaux moyens de transport aviation civile et automobile.Quelles futures organisations du travail ?S’il est Ă©vident que l’actuelle rĂ©volution technologique sera source de crĂ©ation et de destruction d’emplois, l’important est de pouvoir comprendre comment ces emplois de demain s’intĂ©greront aux organisations du travail mis en place dans les entreprises et les administrations. C’est tout le pari du dernier rapport de France StratĂ©gie, Imaginer l’avenir du travail - Quatre types d’organisation du travail Ă  l’horizon 2030. Ce document prospectif met en avant 4 pistes d’évolutions des modes d’organisation du travail Il y a d’abord l’hypothĂšse d’un fort dĂ©veloppement des organisations apprenantes » dans lesquelles le travailleur est largement autonome tout en bĂ©nĂ©ficiant d’un cadre managĂ©rial participatif. DĂ©centralisation des dĂ©cisions, autonomie, enrichissement du travail, apprentissage, travail en Ă©quipe
 sont les maĂźtres mots de cette forme d’organisation ».Dans le mĂȘme temps, et afin de s’adapter Ă  un contexte concurrentiel toujours plus marquĂ©, les entreprises continueront Ă  privilĂ©gier des modes d’organisation souples, flexibles et connectĂ©s capables de gĂ©nĂ©rer rapidement des produits et des services innovants et de qualitĂ© pour se diffĂ©rencier sur le marchĂ© mondial ». Bienvenue dans l’ùre des plateformes collaboratives virtuelles » ! Comme le prĂ©cise Gilles Babinet dans son dernier essai consacrĂ© Ă  la transformation digitale des entreprises et Ă  l’avĂšnement des plateformes, les entreprises, quelles qu’elles soient, ont vocation Ă  devenir des plateformes, c'est-Ă -dire Ă  ĂȘtre au cƓur des interactions fournisseurs, clients, salariĂ©s
 qui leur permettent de remplir leur mission au mieux. »Enfin, et pour les deux derniĂšres formes explorĂ©es, le modĂšle du super-intĂ©rim » et le taylorisme new age », l’étude avance que ces autres formes d’organisation ultra-flexibles, appuyĂ©es sur des rĂ©seaux de communication trĂšs rapides, pourraient faire disparaitre le modĂšle par ailleurs dĂ©jĂ  largement Ă©cornĂ© d’employeur et de contrat de travail travaillerons-nous demain ? Cette question continue de hanter les rĂ©flexions philosophiques, Ă©conomiques et politiques dans un contexte oĂč, nous dit-on, nos emplois seront peut-ĂȘtre tous remplacĂ©s par des robots Ă©quipĂ©s d’intelligences artificielles. Pour l’heure, et s’il n’est pas facile de se frayer un chemin entre prophĂ©ties techno-alarmistes et appels Ă  la raison au nom du progrĂšs Ă©conomique et social, il est certain que de profonds changements s’annoncent. A coup sĂ»r, ils transformeront notre rĂ©alitĂ© du travail comme la rĂ©volution industrielle l’a fait en son temps. Face Ă  cela, il reviendra Ă , chaque acteur concernĂ© de remodeler sa façon de produire, repenser sa façon de travailler, réécrire le droit du travail et de la protection sociale pour s’adapter Ă  ces nouvelles formes d’emplois. Autant d’enjeux que Russel aurait peut-ĂȘtre pu nous aider Ă  dĂ©crypter s’il s’était lui-mĂȘme penchĂ© sur cette question en ce dĂ©but de XXIĂšme Nos rĂ©alitĂ©s virtuelles », mon nouveau livre paru aux Editions Kawa
BertrandRussell [1872-1970], Éloge de l'oisivetĂ©. [1932]. Paris: Les Éditions Allia, 2002, 40 pp. PremiĂšre Ă©dition, 1932, Routledge and The Bertrand Russell Peace Fondation. Paris: Éditions Allia, 2002, pour la traduction française, 40 pp. Traduit de l’anglais par Michel Parmentier. La version anglaise est disponible sous le titre: “In Praise of Idleness”.
Comment satisfaire ce besoin ? Attendre qu’autrui le remplisse ? Comme une maman avec son enfant ? Nous avons explorĂ© d’autres pistes plus adultes. Le contexte Une personne de notre groupe qui recherche du travail se plaint de ne pas pouvoir prendre de dĂ©cisions. Nous lui avons proposĂ© de chercher ses besoins insatisfaits. Parmi les rĂ©ponses proposĂ©es furent Le besoin d’efficacitĂ©, reformulĂ© en clartĂ© de l’objectif. Le besoin d’aide ou de soutien. Le besoin de confiance en soi. De respect pour soi. Et, enfin, le besoin de bienveillance envers soi-mĂȘme. Être empathique avec soi. Les rĂ©ponses Nous avons ensuite recherchĂ© les actions possibles pour remplir ce besoin de bienveillance envers soi-mĂȘme. Faire une liste de ce qui a Ă©tĂ© une source de fiertĂ© et la consulter chaque semaine. CĂ©lĂ©brer chaque jour les moments de rĂ©crĂ©ation que je me suis accordĂ©. Lister mes prioritĂ©s pour remplir le besoin de clartĂ© de l’objectif. La deuxiĂšme action fut trĂšs bien accueillie dans le groupe. Accepter d’ĂȘtre humain et cĂ©lĂ©brer les moments oĂč l’on s’accorde du plaisir. En conclusion Ne rien faire ou consacrer du temps pour soi peut donner lieu Ă  avoir mauvaise conscience car cela fait rarement parti de notre Ă©ducation qui conseille de travailler plus sous peine de passer pour un fainĂ©ant. S’accorder du temps pour soi, ou mĂȘme ne rien faire est un luxe que vous pouvez vous accorder chaque jour. Pour aller plus loin Si vous avez des remarques, laissez-moi un commentaire. Articles en rapport This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Cookie settingsACCEPT
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PubliĂ© le mardi 26 mai 2020 Ă  13h34 En 1932, une crise, comme celle que nous pourrions connaĂźtre, menace l'Ă©conomie mondiale. Alors que la question de l'allongement du temps de travail et de la rĂ©duction des jours de congĂ©s revient au cƓur des dĂ©bats, redĂ©couvrons un texte du philosophe Bertrand Russell, dans lequel il faisait l'Ă©loge de l'oisivetĂ©. Petit-fils de Premier ministre, Bertrand Russell, philosophe et mathĂ©maticien gallois issu d'une des plus grandes familles britanniques Whig, publiait, en 1932, dans la revue, Review of Reviews, un article au ton sardonique et au titre provocateur, In Praise of Idleness, traduit par Éloge de l'OisivetĂ©. Deux ans plus tard, ce mĂȘme texte imprimĂ© dans un recueil d’essais, commence ainsi Ainsi que la plupart des gens de ma gĂ©nĂ©ration, j'ai Ă©tĂ© Ă©levĂ© selon le principe que l'oisivetĂ© est mĂšre de tous les vices. Comme j'Ă©tais un enfant pĂ©tri de vertu, je croyais tout ce qu'on me disait, et je me suis ainsi dotĂ© d'une conscience qui m'a contraint Ă  peiner au travail toute ma vie. Cependant, si mes actions ont toujours Ă©tĂ© soumises Ă  ma conscience, mes idĂ©es, en revanche, ont subi une rĂ©volution. En effet, j'en suis venu Ă  penser que l'on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu'il importe Ă  prĂ©sent de faire valoir dans les pays industrialisĂ©s un point de vue qui diffĂšre radicalement des prĂ©ceptes traditionnels. Bertrand Russell dĂ©fend l'idĂ©e que, pour accĂ©der Ă  davantage de bonheur, voire mĂȘme Ă©viter de mettre en pĂ©ril l'Ă©conomie, il faut procĂ©der Ă  une baisse du temps de travail journalier, Ă©corchant au passage toute la valeur "vertueuse" du travail Pour parler sĂ©rieusement, ce que je veux dire, c'est que le fait de croire que le TRAVAIL en lettres majuscules dans le texte est une vertu est la cause de grand maux dans le monde moderne, et que la voie du bonheur et de la prospĂ©ritĂ© passe par une diminution mĂ©thodique du travail. Pour Bertrand Russell, cette valorisation du travail est un phĂ©nomĂšne historique et culturel. Il explique que la diminution du temps travaillĂ© est non seulement souhaitable mais rendue possible grĂące aux progrĂšs techniques. CatĂ©gorisant d'une façon un peu simpliste le travail en deux types d'activitĂ©, il dĂ©nonce au passage l'organisation hiĂ©rarchique mise en place dans notre sociĂ©tĂ© Il existe deux types de travail le premier consiste Ă  dĂ©placer une certaine quantitĂ© de matiĂšre se trouvant Ă  la surface de la Terre, ou dans le sol mĂȘme ; le second, Ă  dire Ă  quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est dĂ©sagrĂ©able et mal payĂ©. Le second type est agrĂ©able et trĂšs bien payĂ©. Le second type de travail peut s'Ă©tendre de façon illimitĂ©e il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre d'ordres Ă  donner. Le philosophe, Ă©galementmathĂ©maticien et logicien, peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un rationaliste dĂ©nonçant alors l'injuste rĂ©partition du travail qui s'est rĂ©pĂ©tĂ©e notamment aprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale La guerre a dĂ©montrĂ© de façon concluante que l'organisation scientifique de la production permet de subvenir aux besoins des populations modernes en n'exploitant qu'une part minime de la capacitĂ© de travail du monde actuel
 Si, Ă  la fin de la guerre, cette organisation
 avait Ă©tĂ© prĂ©servĂ©e, et si on avait pu rĂ©duire Ă  quatre le nombre d'heures de travail, tout aurait Ă©tĂ© pour le mieux. Au lieu de quoi, on en est revenu au vieux systĂšme chaotique oĂč ceux dont le travail Ă©tait en demande devaient faire de longues journĂ©es tandis qu'on abandonnait le reste au chĂŽmage et Ă  la faim. L'oisivetĂ© comme loisir studieux n'est pas un vilain dĂ©faut Bertrand Russell prĂȘche pour une Ă©vidente rĂ©partition du travail, libĂ©rant ainsi du temps de loisir. Loisir dont les classes supĂ©rieures, privilĂšge des prĂȘtres et des guerriers au Moyen Âge, peut faire craindre qu'il incite ses bĂ©nĂ©ficiaires Ă  une oisivetĂ© dangereuse et corruptrice. Une notion qui, comme le rappelle le philosophe, a toujours choquĂ© les riches. Se souvenant de son enfance, Russell est nĂ© en 1872, Ă  une Ă©poque oĂč les travailleurs des villes commençaient Ă  acquĂ©rir des jours fĂ©riĂ©s, il se rappelle la rĂ©flexion d'une vieille duchesse Qu'est ce que les pauvres vont faire avec des congĂ©s ? C'est travailler qu'il leur faut. Si la signification des mots oisivetĂ© et loisir semble se confondre dans le texte et porte Ă  confusion, leur notion respective en appelle Ă  deux activitĂ©s bien diffĂ©rentes. Par loisir, leisure en anglais, il ne s’agit pas d'un vif encouragement Ă  la paresse, Ă  l’inaction ou au divertissement. En fait, il serait plus adĂ©quat d'employer le terme latin otium, une conception ancienne qui s'apparente Ă  une forme de loisir studieux. Cette oisivetĂ© est celle louĂ©e par le philosophe romain de l'Ă©cole stoĂŻcienne, SĂ©nĂšque. Dans un essai Ă©crit en 62 apr. au mĂȘme titre que celui de Russel, le philosophe proclame 
isolĂ©s, nous serons meilleurs. Dira-t-on qu'il est permis de se retirer auprĂšs des hommes les plus vertueux, et de choisir un modĂšle, sur lequel on rĂšgle sa vie ? Cela ne se fait qu'au sein du repos. Dans son analyse et ses rĂ©flexions, Bertrand Russell procĂšde Ă  une diffĂ©renciation marquĂ©e entre les pĂŽles que sont l'Orient et l'Occident dans leurs rapports et leurs problĂ©matiques respectives au travail ainsi que de sa valeur. Il fait grand cas de l'URSS Ă©galement, comparant la situation du prolĂ©tariat en Russie avec celle des femmes En gĂ©nĂ©ral, ils les riches en Russie ont essayĂ© de faire croire aux travailleurs manuels que toute activitĂ© qui consiste Ă  dĂ©placer de la matiĂšre revĂȘt une certaine forme de noblesse, tout comme les hommes ont tentĂ© de faire croire aux femmes que leur esclavage sexuel confĂ©rait une espĂšce de grandeur. AprĂšs un diagnostic, le philosophe opĂšre dans son analyse, une nette diffĂ©renciation d'apprĂ©hension entre production et consommation. La premiĂšre monopolise davantage les attentions que la seconde et ainsi, l'homme, tout absorbĂ© Ă  produire, oublie de juger et surtout d'Ă©valuer les avantages et le plaisir que procure cette tĂąche au consommateur. Ce divorce, explique Russell, entre les fins individuelles et les fins sociales de la production, empĂȘche les gens de penser clairement. La journĂ©e de quatre heuresQuand je suggĂšre qu'il faudrait rĂ©duire Ă  quatre le nombre d'heures de travail, je ne veux pas laisser entendre qu'il faille dissiper en pure frivolitĂ© tout le temps qu'il reste. Je veux dire qu'en travaillant quatre heures par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et qu'il devrait pouvoir disposer de son temps comme bon lui semble. Ainsi rĂ©duit le temps passĂ© au travail, le philosophe estime que l’homme, grĂące Ă  l’éducation, pourrait ĂȘtre un "oisif " dont il fait un Ă©loge tempĂ©rĂ© car ces privilĂ©giĂ©s, dans des temps plus anciens, pouvaient aussi se montrer tyranniques Autrefois, il existait une classe oisive assez restreinte et une classe laborieuse plus considĂ©rable. La classe oisive bĂ©nĂ©ficiait d’avantages qui ne trouvaient aucun fondement dans la justice sociale, ce qui la rendait nĂ©cessairement despotique, limitait sa compassion, et l’amenait Ă  inventer des thĂ©ories qui pussent justifier ses privilĂšges. Ces caractĂ©ristiques flĂ©trissaient quelque peu ses lauriers, mais, malgrĂ© ce handicap, c’est Ă  elle que nous devons la quasi totalitĂ© de ce que nous appelons la civilisation. Elle a cultivĂ© les arts et dĂ©couvert les sciences ; elle a Ă©crit les livres, inventĂ© les philosophies et affinĂ© les rapports sociaux. MĂȘme la libĂ©ration des opprimĂ©s a gĂ©nĂ©ralement reçu son impulsion d’en haut. Sans la classe oisive, l’humanitĂ© ne serait jamais sortie de la barbarie. Le philosophe conclut son texte en panĂ©gyrique de ce temps d'oisivetĂ©, temps de loisir mis Ă  profit intelligemment, "humainement" tout en constatant la triste obstination de la marche du monde Il y aura assez de travail Ă  accomplir pour rendre le loisir dĂ©licieux, mais pas assez pour conduire Ă  l’épuisement
 Les hommes et les femmes ordinaires, ayant la possibilitĂ© de vivre une vie heureuse, deviendront plus enclins Ă  la bienveillance qu’à la persĂ©cution et Ă  la suspicion. Le goĂ»t pour la guerre disparaĂźtra, en partie pour la raison susdite, mais aussi parce que celle-ci exigera de tous un travail long et acharnĂ©. La bontĂ© est, de toutes les qualitĂ©s morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bontĂ© est le produit de l’aisance et de la sĂ©curitĂ©, non d’une vie de galĂ©rien. Les mĂ©thodes de production, modernes, nous ont donnĂ© la possibilitĂ© de permettre Ă  tous de vivre dans l’aisance et la sĂ©curitĂ©. Nous avons choisi, Ă  la place, le surmenage pour les uns et la misĂšre pour les autres en cela, nous nous sommes montrĂ©s bien bĂȘtes, mais il n’y a pas de raison pour persĂ©vĂ©rer dans notre bĂȘtise indĂ©finiment. Que cet Éloge de l'OisivetĂ© soit porteur d'un message rĂ©solument pacifiste n'est pas anodin d'une part, il correspond aux convictions de son auteur et d'autre part, Ă  cette pĂ©riode de l’entre-deux guerres, en plein milieu de la Grande DĂ©pression, le chĂŽmage augmente fortement aux États-Unis, puis en Europe, suite au krach boursier du fameux jeudi noir. Libre penseur et activisteHomme politique engagĂ©, pacifiste convaincu lors de la PremiĂšre Guerre mondiale, Bertrand Russell, alors socialiste modĂ©rĂ©, opte pour une non intervention relative pendant la Seconde Guerre mondiale. Outre ses activitĂ©s politiques, il fut un grand mathĂ©maticien et un enseignant de premier ordre dans de nombreuses et prestigieuses universitĂ©s. Son Ɠuvre est immense car multidisciplinaire et comprend Ă©galement des romans et des nouvelles. En 1950, Bertrand Russell reçut le Prix Nobel de littĂ©rature, en particulier pour son engagement humaniste et Ă©galement comme libre-penseur. Pour anecdote, en septembre 1961, Ă  l'Ăąge de 89 ans, Russell se retrouva emprisonnĂ© pendant sept jours Ă  la prison de Brixton pour "violation de la paix". Le philosophe quinquagĂ©naire fĂ»t arrĂȘtĂ© aprĂšs avoir pris part Ă  une manifestation anti-nuclĂ©aire Ă  Londres. Le magistrat jugeant l’affaire, offrait Ă  Russell l'exonĂ©ration de sa peine de prison Ă  condition qu'il promette devant la cour d'adopter une "bonne conduite", ce Ă  quoi Bertrand Russell rĂ©pondit "Non, je ne veux pas." Le 2 fĂ©vrier 1970, Bertrand Russell mourut de la grippe prĂšs de Penrhyndeudraeth, au Pays de Galles. Biographie philosophique sĂ©lective Éloge de l’OisivetĂ©, Bertrand Russell, aux Ă©ditions Allia. L'Alphabet du bon Citoyen & AbrĂ©gĂ© de l'Histoire du Monde, Bertrand Russell, aux Ă©ditions Allia. Essais sceptiques, Bertrand Russell, Belles Lettres, 2011 Le cĂ©lĂšbre texte qui valut Ă  Russell son prix Nobel en 1950. Histoire de la Philosophie occidentale. En relation avec les Ă©vĂ©nements politiques et sociaux de l'AntiquitĂ© jusqu'Ă  nos jours, Bertrand Russell, aux Ă©ditions des Belles Lettres, 2011. Pour aller plus loin et autrement avec Bertrand RussellLa Petite Philo par Thibaut de Saint-Maurice Pourquoi avons-nous des prĂ©jugĂ©s ? Vous trouvez cet article intĂ©ressant ? Faites-le savoir et partagez-le.
ÉLOGEDE L’OISIVETÉ Bertrand Russell (1932) L’auteur : Bertrand Russell (1872-1970) Russell est un mathĂ©maticien, logicien, philosophe, Ă©pistĂ©mologue, homme politique et moraliste britannique. Russell est considĂ©rĂ© comme l'un des philosophes les plus importants du XXĂšme siĂšcle. Sa pensĂ©e peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e selon trois grands axes : ‱ La
Page 1Vous devez ĂȘtre connectĂ© ou demander l'accĂšs au forum pour rĂ©pondre Ă  ce message. Auteurs Messages Jim Membre Messages 2522 PostĂ© Ă  09h15 le 14 Aug 21 ... d'un galopin nommĂ© Bertrand Russell Vous devez ĂȘtre connectĂ© ou demander l'accĂšs au forum pour rĂ©pondre Ă  ce 1 EPISODE2 - Nos sociĂ©tĂ©s industrialisĂ©es sont encore loin de la baisse radicale du temps de travail prĂŽnĂ©e par le philosophe dans son "Eloge de
Les mĂ©thodes de production modernes ont rendu possibles le confort et la sĂ©curitĂ© pour tous ; Ă  la place, nous avons choisi le surmenage pour les uns et la famine pour les autres. Jusqu’à prĂ©sent nous avons continuĂ© Ă  dĂ©ployer la mĂȘme activitĂ© qu’au temps oĂč il n’y avait pas de machines ; en cela nous nous sommes montrĂ©s stupides, mais rien ne nous oblige Ă  persĂ©vĂ©rer Ă©ternellement dans cette stupiditĂ©. Bertrand Russell, Eloge de l’oisivetĂ©, 1932 1 NDT Syndrome d’épuisement professionnel. 1Quatre-vingt ans et une crise Ă©conomique mondiale plus tard, notre intelligence n’a manifestement guĂšre progressĂ©, au contraire si depuis lors la productivitĂ© du travail dans l’industrie et l’agriculture s’est vue grosso modo dĂ©cuplĂ©e, on ne peut pas dire qu’elle ait apportĂ© Ă  tous confort et sĂ©curitĂ©. L’Europe, qui certes, pour le moment, s’est sort encore relativement bien, assiste Ă  une hausse record de son taux de chĂŽmage. Quant aux quelques Ăźlots qui demeurent compĂ©titifs au plan global, ils luttent depuis des annĂ©es dĂ©jĂ  contre les nouvelles pandĂ©mies provoquĂ©es par la contraction progressive de l’offre de travail du burn-out-syndrom1 Ă  la mort subite due au surmenage en passant par la consommation routiniĂšre de produits psychopharmaceutiques. 2Gardons-nous cependant d’imaginer que cette ardeur excessive au travail constatĂ©e par Russell ne serait rien d’autre qu’une habitude devenue obsolĂšte et qu’il nous suffirait de laisser tomber – une habitude hĂ©ritĂ©e du temps oĂč il n’y avait pas de machines. Au Moyen Age, oĂč le travail comme fin en soi Ă©tait chose inconnue, on travaillait en fait moins qu’aujourd’hui. La raison en est simple le travail tel que nous l’entendons, c’est-Ă -dire la dĂ©pense abstraite d’énergie humaine indĂ©pendamment de tout contenu particulier, est historiquement spĂ©cifique. On ne le rencontre que sous le capitalisme. Dans n’importe quelle autre formation sociale, l’idĂ©e aujourd’hui si universellement rĂ©pandue selon laquelle un travail, quel qu’il soit, vaut mieux que pas de travail » aurait paru, Ă  juste titre, complĂštement dĂ©lirante. 3Ce dĂ©lire est le principe abstrait qui rĂ©git les rapports sociaux sous le capitalisme. Si l’on fait abstraction des activitĂ©s criminelles, le travail – qu’il s’agisse du nĂŽtre ou de l’appropriation de celui d’autrui – est pour nous l’unique moyen de participer Ă  la sociĂ©tĂ©. Mais, en mĂȘme temps, il ne dĂ©pend pas du contenu de l’activitĂ© en question ; que je fasse pousser des pommes de terre ou que je fabrique des bombes Ă  fragmentation n’a aucune importance, du moment que mon produit trouve un acheteur et transforme ainsi mon argent en davantage d’argent. Base de la valorisation de la valeur, le travail constitue une fin en soi et un principe social contraignant dont l’unique but consiste Ă  accumuler toujours plus de travail mort » sous forme de capital. 2 On trouvera cette citation et presque toutes les suivantes sur le trĂšs intĂ©ressant site internet ww ... 4Une contrainte Ă  laquelle tout est soumis dans la mĂȘme mesure ne se maintiendra durablement qu’à condition que ceux qu’elle ligote apprennent Ă  aimer leurs chaĂźnes. En cela aussi la sociĂ©tĂ© bourgeoise se distingue des prĂ©cĂ©dentes. D’Aristote Ă  Thomas d’Aquin en passant par Augustin, les philosophes de l’AntiquitĂ© et du Moyen Age ont cĂ©lĂ©brĂ© l’oisivetĂ© – et surtout pas le travail – comme la voie menant Ă  une vie heureuse2 Au dire de la plupart des hommes, le bonheur ne va pas sans le plaisir. Aristote 384 – 322 av. Ethique Ă  Nicomaque L’apprentissage de la vertu est incompatible avec une vie d’artisan et de manƓuvre. Aristote, Politique Quittons ces vaines et creuses occupations abandonnons tout le reste pour la recherche de la vĂ©ritĂ©. Augustin 354 – 430 ap. Les Confessions Absolument et de soi la vie contemplative est plus parfaite que la vie active. Thomas d’Aquin 1125 – 1274, Somme thĂ©ologique 5D’autres ne seront pas du mĂȘme avis, tels par exemple les fondateurs de certains ordres monastiques qui verront dans le travail un moyen d’atteindre l’ascĂšse et l’abstinence. Mais c’est seulement au protestantisme qu’il reviendra d’en faire un principe Ă  grande Ă©chelle, appliquĂ© Ă  l’ensemble de la population L’oisivetĂ© est pĂ©chĂ© contre le commandement de Dieu, car Il a ordonnĂ© qu’ici-bas chacun travaille. Martin Luther 1483 – 1546 6Et les LumiĂšres n’auront de cesse d’élever l'ethos du travail, autrement dit l’obligation morale de travailler, au rang de fin en soi Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent Ă  travailler. L’homme est le seul animal qui doit travailler. Kant, RĂ©flexions sur l’éducation, 1803 La plus grande perfection morale possible de l’homme est de remplir son devoir et par devoir. Kant, Principes mĂ©taphysiques de la morale, 1797 Il n’existe qu’une seule Ă©chappatoire au travail faire travailler les autres pour soi. Kant, Critique du jugement, 1790 De ces trois vices la paresse, la lĂąchetĂ©, la faussetĂ©, le premier semble ĂȘtre le plus mĂ©prisable. Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, 1798 Que l’on s’informe tout particuliĂšrement sur les personnes qui se distinguent par une conduite indigne ! On dĂ©couvrira invariablement soit qu’elles n’ont pas appris Ă  travailler, soient qu’elles fuient le travail. Fichte, Discours Ă  la nation allemande, 1807 7Comme il apparaĂźt dĂ©jĂ  dans les derniĂšres citations, l’amour du travail s’avĂšre Ă©troitement liĂ© Ă  la haine des oisifs Chacun doit pouvoir vivre de son travail, dit un principe avancĂ©. Ce pouvoir-vivre est donc conditionnĂ© par le travail et n’existe nullement lĂ  oĂč la condition ne serait pas remplie. Fichte, Fondement du droit naturel, 1796 Dans les pays chauds, l’homme est mĂ»r plus tĂŽt Ă  tous Ă©gards mais n’atteint pas la perfection des zones tempĂ©rĂ©es. L’humanitĂ© dans sa plus grande perfection se trouve dans la race blanche. Les Indiens jaunes n’ont que peu de capacitĂ©s, les Noirs leur sont bien infĂ©rieurs encore, et au plus bas de l’échelle se placent certaines peuplades amĂ©ricaines. Kant, GĂ©ographie physique, 1802 Le barbare est paresseux et se distingue de l’homme civilisĂ© en ceci qu’il reste plongĂ© dans son abrutissement, car la formation pratique consiste prĂ©cisĂ©ment dans l’habitude et dans le besoin d’agir. Hegel, Principes de la philosophie du droit, 1820 8Ces propos excluants et racistes sous la plume des philosophes des LumiĂšres ne sont nullement de simples accidents de parcours mais relĂšvent au contraire de l’essence mĂȘme de l’idĂ©ologie du travail. Parce que ce courant de pensĂ©e transfigure le travail en vĂ©ritable but de l’existence de l’homme », tous les dĂ©sƓuvrĂ©s se voient par contrecoup exclus de la race humaine » l’homme est tenu de travailler ; partant, celui qui ne travaille pas ne peut prĂ©tendre au statut d’ĂȘtre humain Ă  part entiĂšre. 3 NDT Allusion Ă  la vision nazie mais qui est aussi celle d’une partie de la gauche opposant un bo ... 9Ce qui s’exprime ici, c’est la colĂšre du bourreau de travail blanc envers la pression qu’il s’est lui-mĂȘme imposĂ©e, une colĂšre qui prend pour cible tout ce qui fait mine de ne pas se soumettre Ă  ladite pression et de mener une existence oisive les femmes, en charge de la vraie vie » au sein de la sphĂšre privĂ©e – dissociĂ©e du travail – de la famille bourgeoise ; toutes sortes de peuples les attributions sont, cette fois, plus variĂ©es vivant, sans travailler, d’amour et d’eau fraĂźche ; ou encore le capital accapareur3 », qui s’approprie sans travailler la survaleur créée par d’autres. Les idĂ©ologies modernes du sexisme, du racisme, de l’antitsiganisme et de l’antisĂ©mitisme sont fondĂ©es, elles aussi, sur l'ethos du travail. 4 NDT Le championnat fĂ©dĂ©ral allemand. 5 NDT Le championnat europĂ©en. 10À partir des annĂ©es 1970, en faisant disparaĂźtre du procĂšs de production des quantitĂ©s toujours croissantes de travail, le potentiel de rationalisation de la microĂ©lectronique a plongĂ© le capitalisme dans la crise. Pour autant, la pression intĂ©rieure et extĂ©rieure qui pousse les hommes Ă  travailler n’a pas diminuĂ© mais s’est mĂȘme au contraire accentuĂ©e Ă  mesure que se rarĂ©fiaient les emplois ». Pour les laissĂ©s pour compte, les conditions se sont durcies ils sont dĂ©sormais trop nombreux pour que leur entretien humain reste longtemps encore compatible avec le maintien de la compĂ©titivitĂ© au plan global. La nĂ©cessitĂ© incontournable de ramener les hommes au travail » Angela Merkel ne fait qu’obscurcir la perception du problĂšme la responsabilitĂ© du chĂŽmage ne serait plus imputable Ă  la disparition progressive du travail mais aux chĂŽmeurs eux-mĂȘmes, qu’il faudrait par consĂ©quent ramener, par tous les moyens de coercition dont on dispose, Ă  un travail qui n’existe plus. Quelque chose de semblable se dĂ©roule Ă©galement au niveau europĂ©en on impose aux pays en faillite » restĂ©s Ă  la traĂźne de l’Europe des politiques d’austĂ©ritĂ© grĂące auxquelles ils sont censĂ©s, une fois cette pĂ©nible Ă©preuve traversĂ©e, redevenir compĂ©titifs. C’est aussi crĂ©dible que si la FĂ©dĂ©ration allemande de football prĂ©tendait, par un entraĂźnement appropriĂ©, hisser tous Ă  la fois les dix-huit clubs de la Bundesliga4 aux quatre places possibles en Ligue des champions5. 11Il n’y a manifestement d’issue que dans l’abolition du travail, mais cela implique bien sĂ»r d’abolir Ă©galement le capitalisme. S’y oppose en outre notre ethos du travail, fruit de plusieurs siĂšcles de dressage D’aucuns diront qu’il est certes agrĂ©able d’avoir un peu de loisir, mais que les gens ne sauraient pas comment remplir leurs journĂ©es s’ils n’avaient Ă  travailler que quatre heures par jour. Dans la mesure oĂč cela est vrai dans le monde moderne, cela constitue un reproche adressĂ© Ă  notre civilisation ; Ă  toute autre Ă©poque antĂ©rieure, ce n’aurait pas Ă©tĂ© le cas. Bertrand Russell, Eloge de l’oisivetĂ©, 1932 12Le sort que Hegel assignait aux barbares » nous revient donc celui qui est sans emploi n’a plus qu’à rester plongĂ© dans son abrutissement ». Autrement dit si le sujet bourgeois rĂ©pugne tellement Ă  imaginer sa vie sans le travail, c’est aussi parce que derriĂšre son ethos du travail rĂŽde la peur panique de sa propre vacuitĂ©.

Etsi l’oisivetĂ© nous mettait sur la voie d’une sociĂ©tĂ© plus juste favorisant l’épanouissement de chacun ? « Il existe deux types de travail : le premier consiste Ă  dĂ©placer une certaine quantitĂ© de matiĂšre se trouvant Ă  la surface de la terre ou dans le sol; le second, Ă  dire Ă  quelqu'un d'autre de le faire. » (Bertrand Russell)

Je ne souhaite pas que ce blog devienne une tribune politique. Mais je ne suis pas impermĂ©able Ă  ce qui se passe autour de moi. Ma vie est imprĂ©gnĂ©e de mes rencontres et dĂ©couvertes. La politique me passionne attention pas celle qui s'affiche Ă  la tĂ©lĂ© et sur de nombreux journaux, la vraie, la science des affaires de la citĂ© comme son origine Ă©tymologique en tĂ©moigne. ConnaĂźtre nos origines celles de l'homme, de la vie, comprendre comment nous vivons, ce que sont les sociĂ©tĂ©s organisĂ©es, ce qu'elles deviennent, comment elles entretiennent des relations, tout cela est fondamentalement passionnant. Ainsi, les discours de nos hommes et femmes politiques y compris ceux qui s'affichent partout en ce moment et qui ont tendance Ă  s'emmĂȘler les pinceaux en confondant les sphĂšres publiques et privĂ©es, ces disours donc rĂ©sonnent en moi et m'interpellent. Mes lectures, mes choix de sorties, s'en trouvent souvent orientĂ©es, ou, si elles ne le sont pas, provoquent parfois des avez lu rĂ©cemment dans la rubrique "Humeurs" mon opinion sur le slogan sarkozyen "travaillez plus pour gagner plus". J'avais alors tentĂ© d'illustrer mon propos avec des ouvrages de la littĂ©rature enfantine et ce cher homonyme Jean-François, du Blog Ă  Jef nous proposait aussi dans ce billet Ă©crit Ă  quatre mains deux livres et un film. J'ai lu celui qui me manquait et voilĂ  qu'il tombe Ă  point nommĂ©, Ă  l'instant mĂȘme oĂč les menaces les plus sĂ©rieuses pĂšsent sur une des Ă©volutions les plus importantes de ces derniĂšres decennies la rĂ©duction de temps de travail. Il faut dire qu'il avait fallut attendre plus de deux gĂ©nĂ©rations pour que Ă  nouveau il y ait une rĂ©duction significative. En 1936, le Front Populaire diminuait de huit heures la semaine de travail en passant Ă  40 heures et enfin Ă  l'aube du XXI° siĂšcle nous gagnions encore 4 heures d'oisivetĂ© grĂące aux lois Aubry Mitterand nous avait royalement accordĂ© une heure lors de son intronisation en arrivant Ă  35 heures. Pour plus dĂ©tails se reporter Ă  cet article historique sur WikipĂ©dia. Mais cela est-il Ă  peine tout juste suffisant que nous voilĂ  replongĂ©s 70 ans en arriĂšre. Et en plus on voudrait nous faire croire que les "35 heures" Ă©taient une loi rĂ©trograde, passĂ©iste, une formidable erreur dans le concert des Nations. Regardez donc nos voisins ? Ils travaillent eux ! Ben oui ! Mais on dira ce qu'on voudra, j'aime bien ĂȘtre diffĂ©rent surtout quand ma qualitĂ© de vie s'en trouve amĂ©liorĂ©e. Mais voilĂ , il faudrait que les mentalitĂ©s Ă©voluent. Et notamment sur la question de la notion de "Travail". Il est crucial de bien dĂ©finir ce concept. Je vous propose donc de lire ou relire en ces temps obscurs Bertrand Russell et son Ă©loge de l'oisivetĂ©. Je n'en dirais pas plus sur le livre et vous donne juste quelques extraits... Ah ! si, tout de mĂȘme, il a Ă©tĂ© Ă©crit en 1932, et publiĂ© simultanĂ©ment Ă  Londres et Ă  New-York. Certain pourtant que les inspirateurs des lois du Front Populaire RTT, CongĂ©s payĂ©s... ont dĂ» l'avoir sur leur table de chevĂȘt. Il faudrait l'offir Ă  tous ceux qui pensent que le travail libĂšre l'homme... "En effet, j'en suis venu Ă  penser que l'on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu'il importe Ă  prĂ©sent de faire valoir dans les pays industrialisĂ©s un point de vue qui diffĂšre radicalement des prĂ©ceptes traditionnels." "... la voie du bonheur et de la prospĂ©ritĂ© passe par une diminution mĂ©thodique du travail." "Il existe deux types de travail le premier consiste Ă  dĂ©placer une certaine quantitĂ© de matiĂšre... le second, Ă  dire Ă  quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est dĂ©sagrĂ©able et mal payĂ© ; le second est agrĂ©able et trĂšs bien payĂ©." "La morale du travail est une morale d'esclave, et le monde moderne n'a nul besoin de l'esclavage."Bonne lecture...Eloge de l'oisivetĂ© de Bertrand Russell, Ă©ditions Allia, Petite collection, Paris - 6,10 €. LĂ©loge de l’oisivetĂ© en rĂ©vĂšle l’intĂ©rĂȘt social. Bertrand Russell affirme que l’individu a besoin du loisir pour accĂ©der aux meilleures choses de la vie, ce que les travailleurs reconnaissent eux-mĂȘmes. La pĂ©nibilitĂ© du travail n’est pas une fin en soi, elle n’est que le moyen de sa propre suppression, c’est-Ă -dire d’une existence plus heureuse. Travailler moins pour vivre mieuxSi le salariĂ© ordinaire travaillait quatre heures par jour, il y aurait assez de tout pour tout le monde, et pas de chĂŽmage en supposant qu’on ait recours Ă  un minimum d’organisation rationnelle. Cette idĂ©e choque les nantis parce qu’ils sont convaincus que les pauvres ne sauraient comment utiliser autant de loisir. 1932, Éloge de l’oisivetĂ©, Bertrand Russell.[1] Dans les mĂȘmes annĂ©es trente, Keynes prĂ©disait pour l’an 2000 la semaine de 15 heures avec un niveau de vie quatre fois le progrĂšs technique a tenu ses promesses, le bien ĂȘtre promis n’est pas au rendez-vous. En 2000, nos pays sont cinq fois plus riches que dans les annĂ©es 30 mais le travail s’est intensifiĂ© pour certains, il s’est prĂ©carisĂ© pour d’autres, il a disparu pour beaucoup trop de salariĂ©s au lieu d’ĂȘtre partagĂ© entre toutes les mains. Au lieu de nous libĂ©rer, la machine nous a rĂ©duction du temps de travail a bien lieu. C’est celle qui, sans cesse, augmente les effectifs de l’armĂ©e de rĂ©serve composĂ©e de chĂŽmeurs et de travailleurs prĂ©caires pendant que d’autres doivent travailler plus de 40 heures par semaine pendant encore plus d’annĂ©es. C’est Ă  cette inĂ©galitĂ© aussi qu’il faut s’attaquer celle de pouvoir disposer de son temps pour vivre sa vie comme on l’ des ressources et la dĂ©tĂ©rioration de notre environnement nous imposent de revoir notre modĂšle Ă©conomique fondĂ© sur une augmentation permanente de la production de biens dont l’utilitĂ©Ì peut ĂȘtre questionnĂ©e et que le marketing nous enjoint de chantage Ă  l’emploi, quand l’existence de chacun est subordonnĂ©e Ă  l’exercice d’une activitĂ© rĂ©munĂ©rĂ©e, doit cesser pour autoriser une Ă©volution vers un monde plus respectueux de l’environnement et Ă©conome en ressources naturelles. Laisser le marchĂ© continuer Ă  imposer sa loi au nom de la compĂ©titivitĂ© internationale et de la maximisation des profits est faut changer de paradigme On nous dit le travail est vital pour assurer le gĂźte et le couvert, nous disons au contraire qu’assurer Ă  toutes et tous les conditions concrĂštes d’existence est encore beaucoup plus vital pour vivre mieux. Le quasi-monopole de l’emploi comme source de revenu est pour beaucoup dans la valeur sociale qui est accordĂ©e au travail. Pour abolir ce culte du travail, il faut briser ce monopole, il faut garantir un revenu Ă  tous. Batiste Mylondo [2] Nous avons largement les moyens en revenus 1 450 M€ et en patrimoine 12 500 M€ d’assurer Ă  tous les membres de la communautĂ© ce droit universel Ă  une existence digne en toute circonstance. Enfin les machines qui remplacent l’ouvrier peuvent et doivent aussi contribuer Ă  assurer son existence comme le prĂ©conisait dĂ©jĂ  Jean de Sismondi 1773- 1842 .Ainsi avec ce revenu de vie on peut Travailler moins en rĂ©duisant le temps consacrĂ© Ă  un emploi contraint, nĂ©cessaire pour vivre mais peu valorisant,Travailler mieux en se libĂ©rant d’un emploi facilement automatisable, d’un emploi nocif et inutile pour soi et pour la moins Avec la semaine de quatre jours et l’allocation d’existenceLes travaux de Pierre Larrouturou l’ont montrĂ© la semaine de quatre jours n’est pas une hĂ©rĂ©sie Ă©conomique, elle est au contraire la seule solution pour partager les emplois qui existent encore. Mais malgrĂ© quelques timides expĂ©riences on tourne le dos Ă  une telle perspective. On incite encore ceux qui ont un emploi Ă  travailler plus la durĂ©e hebdomadaire en France d’un plein temps est aujourd’hui de plus de 38 heures ! et on repousse l’ñge de dĂ©part Ă  la retraite ; Ces choix ont pour consĂ©quences l’augmentation du chĂŽmage, l’accroissement sans fin des dĂ©penses sociales pour rĂ©parer les dĂ©gĂąts Ă  la fois du chĂŽmage de masse, de la prĂ©caritĂ© et de la surcharge de travail sur des salariĂ©s de moins en moins nombreux. Rythme de vie trop rapide, surcharge de travail, manque de temps pour soi ou pour leurs proches, trajets trop longs
 Les actifs de six pays occidentaux dont la France ont certaines aspirations quant au futur de leur vie professionnelle. Mais les 12 074 salariĂ©s interrogĂ©s pour une Ă©tude internationale aspirent surtout Ă  ralentir le rythme 78 % et travailler moins 51 % ! Guirec Gombert, HELLOWORKPLACE [3]Le partage des emplois avec l’allocation d’un revenu d’existence peut rĂ©soudre la quadrature du cercle qui est celle de libĂ©rer du temps sans baisse des revenus pour le travailleur, ni augmentation du coĂ»t du montre que pour le salariĂ© rĂ©munĂ©rĂ© au Smic, avec l’AUE Ses revenus augmentent de 20 % ;son temps libre hebdomadaire augmente de 50 %avec une journĂ©e de travail libĂ©rĂ©e, en thĂ©orie, un emploi serait créé pour quatre emplois salariĂ©s existants,La productivitĂ© de l’entreprise ne manquerait pas d’augmenter ce qui autoriserait une augmentation nominale des salaires avec un accord collectif. Ainsi, avec l’AUE c’est un vĂ©ritable cercle vertueux qui s’enclenche au profit de tous les cette exemple un ouvrier payĂ© au SMIC pour 35h par semaine est rĂ©munĂ©rĂ© 1464 €, en 4 jours avec l’AUE de 900 € et une contribution CAUE de 244 € serait rĂ©munĂ©rĂ© 1740 €.Voir la prĂ©sentation complĂšte Avec l’allocation d’existence, le temps partiel n’est plus synonyme de prĂ©caritĂ©. On peut choisir de partager son temps entre un emploi Ă  temps partiel et d’autres activitĂ©s comme pour s’occuper de ses enfants ou de ses proches, pour crĂ©er, pour prendre des responsabilitĂ©s syndicales, associatives, politiques
 On peut dĂ©cider de prendre un congĂ© de six mois pour un voyage, pour des travaux, force du revenu universel est ici double d’une part, il assure positivement» un socle de revenus et d’autre part, il laisse chacun libre de complĂ©ter cette base par des revenus d’activitĂ© salariĂ©e. La modulation du temps de travail et la discontinuitĂ© de l’activitĂ© ne sont plus des menaces mais des opportunitĂ©s. Julien Dourgnon [4]Ce vĂ©ritable salaire socialisĂ© avec l’AUE, ouvre la voie Ă  la civilisation du temps libĂ©rĂ© » chĂšre Ă  AndrĂ©Ì Gorz et Ă©mancipe l’ĂȘtre humain de sa condition de prolĂ©taire, condamnĂ© Ă  perdre sa vie Ă  essayer de la cette rĂ©duction du temps de travail concertĂ©e est une voie prometteuse pour mieux distribuer les emplois, la combiner avec l’allocation d’existence permet en sus d’aller aussi vers le travail hors de l’emploi mieux en libĂ©rant le travail du carcan de l’emploiDĂ©jĂ  en 1884, William Morris, fondateur de la Socialist League [5] dans un texte intitulĂ© travail utile et vaine besogne, dĂ©nonçait le travail dĂ©nuĂ© de sens et inutile Un travail digne de ce nom suppose l’espoir du plaisir dans le repos, dans l’usage que nous ferons de son produit et dans la mise en Ɠuvre quotidienne de nos talents crĂ©atifs. Tout autre travail que celui-lĂ Ì€ ne vaut rien – c’est un travail d’esclave – c’est besogner pour vivre et vivre pour besogner.[6]Un siĂšcle et demi plus tard, rien n’a changĂ©, bien au contraire. Le travail aliĂ©nĂ© triomphe seulement le travail paie peu mais l’emploi salariĂ© n’est plus Ă©mancipateur. Il est trop souvent cause de souffrances. 90 % des salariĂ©s s’interrogent sur leur emploi actuel. Un salariĂ© sur quatre est en Ă©tat d’hyper stress, plus des deux tiers des 29 millions de salariĂ©s consomment des psychotropes, se dopent ou ont des addictions pour affronter leurs conditions de travail et le stress [7]. La crise de sens du travail touche de plus en plus tĂŽt les salariĂ©s, les cadres comme les les salariĂ©s aspirent Ă  changer de mode de vie et Ă  un travail plus valorisant. La pandĂ©mie Covid 19 a accĂ©lĂ©rĂ© ce phĂ©nomĂšne de dĂ©sertion du marchĂ© de l’emploi. LibĂ©rer le travail du carcan de l’emploi qu’on nous impose est devenue une l’aide de la technologie, le revenu d’existence permet d’accompagner ces profondes mutations et de s’échapper de ces emplois devenus inutiles ou absurdes, voire dangereux pour son intĂ©gritĂ© physique ou psychique. Il donne la possibilitĂ© de redĂ©couvrir un mĂ©tier, de s’approprier de nouveaux savoir-faire, des compĂ©tences, des responsabilitĂ©s, de crĂ©er de la vĂ©ritable valeur pour soi, pour les siens, pour la viabilise ainsi des mĂ©tiers aujourd’hui peu rĂ©munĂ©rateurs Un jeune paysan n’est plus obligĂ© d’exercer un emploi complĂ©mentaire pour Ă©quilibrer le budget de la ferme, cumulant ainsi plus de 70 heures de travail par semaine. S’il vit en couple, avec l’AUE, les deux conjoints ont des choix de vie beaucoup plus larges ils peuvent ensemble se consacrer entiĂšrement Ă  leur activitĂ© agricole, ils peuvent employer quelqu’un Ă  mi-temps, prendre des vacances d’existence est le prix Ă  payer par toute la communautĂ© pour l’émancipation, l’épanouissement et l’inclusion de chacun de ses membres. Comme le souligne Nancy Fraser dans Qu’est-ce que la justice sociale ? ce systĂšme de redistribution universel rĂ©ellement transformateur peut modifier progressivement l’équilibre du pouvoir entre le capital et le travail en minant la marchandisation de la force de permettra de faire le tri entre les emplois inutiles les fameux bullshit jobsde David Graeber et les emplois dont on ne peut se passer parce qu’ils ont une vĂ©ritable utilitĂ© des Ă©boueurs de New York montre qu’il est possible de valoriser des mĂ©tiers pĂ©nibles mais trĂšs utiles pour la sociĂ©tĂ©. Aujourd’hui, plus de 50 ans aprĂšs une grĂšve historique de 9 jours, qui avait noyĂ©Ì la ville dans les ordures en fĂ©vrier 1968, un ouvrier au service de la propretĂ© Ă  New York gagne jusqu’à 70 000 $ par an aprĂšs cinq ans d’anciennetĂ©.[8] Si cette conquĂȘte a Ă©tĂ© possible dans l’antre mondiale du capitalisme, avec ce revenu minimum garanti, chacun sera encore plus fort pour lutter pour de meilleures conditions de Morris dans Travail utile et vaine besogne[9] rĂȘvait de cette libertĂ©Ì qui reste Ă  conquĂ©rir Une fois libĂ©rĂ©s de l’angoisse quotidienne de la faim, quand ils auront dĂ©couvert ce qu’ils veulent vraiment et que rien sinon leurs propres besoins n’exercera plus sur eux de contrainte, les gens refuseront de fabriquer les niaiseries qu’on qualifie d’articles de luxe ou le poison et les ordures qu’on nomme articles bon oui, il existe bien une alternative au sinistre et dĂ©bile projet du travailler plus pour gagner plus, pour que chacun participe avec ses moyens Ă  la crĂ©ation de richesses sans ĂȘtre condamnĂ© Ă  travailler trop, Ă  travailler mal ou au contraire ĂȘtre assignĂ© Ă  l’inaction et Ă  la ce revenu de vie ne permet pas seulement de rĂ©duire le temps de travail dans l’emploi, il autorise Ă  travailler autrement et mieux en osant abandonner un emploi dĂ©nuĂ© de sens, un travail marchandise.[10] Alain SupiotLe travail permet d’habiter le monde, Ă  condition d’ĂȘtre libĂ©rĂ© de cette angoisse de devoir assurer Ă  tout prix le lendemain pour soi et sa famille et ne plus cĂ©der au chantage d’un emploi de survie, Ă  condition de pouvoir donner du sens et du temps Ă  chacune de nos activitĂ©s. L’allocation universelle d’existence ouvre la porte Ă  une sociĂ©tĂ© du choix, du temps libĂ©rĂ© de la compĂ©tition et de la performance individuelle, pour que chacun et chacune, dans une Ă©gale considĂ©ration, trouve sa place dans la communautĂ© des humains et dans le respect de son Van Parijs, philosophe, fondateur du Basic Income Earth Network Il s’agit de construire un État social qui mise intelligemment sur l’épanouissement du capital humain plutĂŽt que sur l’astreinte d’un emploi non choisi. ____________________[1] Éloge de l’oisivetĂ©Ì, Bertrand Russell, premiĂšre Édition, 1932, Routledge and The Bertrand Russell Peace Fondation. Paris Ă©ditions Allia, 2002, pour la traduction française, 40 p. Traduit de l’anglais par Michel Parmentier.[2] Batiste Mylondo, Ne pas perdre sa vie Ă  la gagner, pour un revenu de citoyennetĂ©, Éditions du croquant, 2010.[3] Les salariĂ©s occidentaux aspirent Ă  changer de mode de vie par Guirec Gombert, HELLOWORKPLACE, 23 juin 2016.[4] Julien Dourgnon Revenu universel Pourquoi ? Comment ?[5] Avec entre autres Eleanor Marx, fille de Karl Marx.[6] Texte prĂ©sentĂ© par Anselm Jappe dans La civilisation et le travail Éditions Le passager clandestin, 2013.[7] Quand le travail pousse au dopage une rĂ©alitĂ©Ì pour 69 % des Français, Journal Sud-Ouest, 11/11/2017[8] Lire pages 147 et suivantes Utopies rĂ©alistes de Rutger Bregman, Éditions du Seuil, 2017.[9] Texte prĂ©sentĂ©Ì par Anselm Jappe dans La civilisation et le travail, Éditions Le passager clandestin, 2013[10] Le travail n’est pas une marchandise. Contenu et sens du travail au XXI ° siĂšcle, Alain Supiot, Leçon de clĂŽture du CollĂšge de France du 22 mai Obtenezle livre Eloge de l'oisivetĂ© de Bertrand RUSSELL au format ePub sur E.Leclerc.
Travail forcĂ© et Ă©thos du travail Claus Peter Ortlieb* Voir le Fichier C_P_Ortlieb_Travai Les mĂ©thodes de production modernes ont rendu possibles le confort et la sĂ©curitĂ© pour tous ; Ă  la place, nous avons choisi le surmenage pour les uns et la famine pour les autres. Jusqu’à prĂ©sent nous avons continuĂ© Ă  dĂ©ployer la mĂȘme activitĂ© qu’au temps oĂč il n’y avait pas de machines ; en cela nous nous sommes montrĂ©s stupides, mais rien ne nous oblige Ă  persĂ©vĂ©rer Ă©ternellement dans cette stupiditĂ©. » Bertrand Russell, Eloge de l’oisivetĂ©, 1932 Quatre-vingt ans et une crise Ă©conomique mondiale plus tard, notre intelligence n’a manifestement guĂšre progressĂ©, au contraire si depuis lors la productivitĂ© du travail dans l’industrie et l’agriculture s’est vue grosso modo dĂ©cuplĂ©e, on ne peut pas dire qu’elle ait apportĂ© Ă  tous confort et sĂ©curitĂ©. L’Europe, qui certes, pour le moment, s’est sort encore relativement bien, assiste Ă  une hausse record de son taux de chĂŽmage. Quant aux quelques Ăźlots qui demeurent compĂ©titifs au plan global, ils luttent depuis des annĂ©es dĂ©jĂ  contre les nouvelles pandĂ©mies provoquĂ©es par la contraction progressive de l’offre de travail du burn-out-syndrom[1] Ă  la mort subite due au surmenage en passant par la consommation routiniĂšre de produits psychopharmaceutiques. Gardons-nous cependant d’imaginer que cette ardeur excessive au travail constatĂ©e par Russell ne serait rien d’autre qu’une habitude devenue obsolĂšte et qu’il nous suffirait de laisser tomber – une habitude hĂ©ritĂ©e du temps oĂč il n’y avait pas de machines. Au Moyen Age, oĂč le travail comme fin en soi Ă©tait chose inconnue, on travaillait en fait moins qu’aujourd’hui. La raison en est simple le travail tel que nous l’entendons, c’est-Ă -dire la dĂ©pense abstraite d’énergie humaine indĂ©pendamment de tout contenu particulier, est historiquement spĂ©cifique. On ne le rencontre que sous le capitalisme. Dans n’importe quelle autre formation sociale, l’idĂ©e aujourd’hui si universellement rĂ©pandue selon laquelle un travail, quel qu’il soit, vaut mieux que pas de travail » aurait paru, Ă  juste titre, complĂštement dĂ©lirante. Ce dĂ©lire est le principe abstrait qui rĂ©git les rapports sociaux sous le capitalisme. Si l’on fait abstraction des activitĂ©s criminelles, le travail – qu’il s’agisse du nĂŽtre ou de l’appropriation de celui d’autrui – est pour nous l’unique moyen de participer Ă  la sociĂ©tĂ©. Mais, en mĂȘme temps, il ne dĂ©pend pas du contenu de l’activitĂ© en question ; que je fasse pousser des pommes de terre ou que je fabrique des bombes Ă  fragmentation n’a aucune importance, du moment que mon produit trouve un acheteur et transforme ainsi mon argent en davantage d’argent. Base de la valorisation de la valeur, le travail constitue une fin en soi et un principe social contraignant dont l’unique but consiste Ă  accumuler toujours plus de travail mort » sous forme de capital. Une contrainte Ă  laquelle tout est soumis dans la mĂȘme mesure ne se maintiendra durablement qu’à condition que ceux qu’elle ligote apprennent Ă  aimer leurs chaĂźnes. En cela aussi la sociĂ©tĂ© bourgeoise se distingue des prĂ©cĂ©dentes. D’Aristote Ă  Thomas d’Aquin en passant par Augustin, les philosophes de l’AntiquitĂ© et du Moyen Age ont cĂ©lĂ©brĂ© l’oisivetĂ© – et surtout pas le travail – comme la voie menant Ă  une vie heureuse Au dire de la plupart des hommes, le bonheur ne va pas sans le plaisir. » Aristote 384 – 322 av. Ethique Ă  Nicomaque L’apprentissage de la vertu est incompatible avec une vie d’artisan et de manƓuvre. » Aristote, Politique Quittons ces vaines et creuses occupations abandonnons tout le reste pour la recherche de la vĂ©ritĂ©. » Augustin 354 – 430 ap. Les Confessions Absolument et de soi la vie contemplative est plus parfaite que la vie active. » Thomas d’Aquin 1125 – 1274, Somme thĂ©ologique D’autres ne seront pas du mĂȘme avis, tels par exemple les fondateurs de certains ordres monastiques qui verront dans le travail un moyen d’atteindre l’ascĂšse et l’abstinence. Mais c’est seulement au protestantisme qu’il reviendra d’en faire un principe Ă  grande Ă©chelle, appliquĂ© Ă  l’ensemble de la population L’oisivetĂ© est pĂ©chĂ© contre le commandement de Dieu, car Il a ordonnĂ© qu’ici-bas chacun travaille. » Martin Luther 1483 – 1546 Et les LumiĂšres n’auront de cesse d’élever l’éthos du travail, autrement dit l’obligation morale de travailler, au rang de fin en soi Il est de la plus haute importance que les enfants apprennent Ă  travailler. L’homme est le seul animal qui doit travailler. » Kant, RĂ©flexions sur l’éducation, 1803 La plus grande perfection morale possible de l’homme est de remplir son devoir et par devoir. » Kant, Principes mĂ©taphysiques de la morale, 1797 Il n’existe qu’une seule Ă©chappatoire au travail faire travailler les autres pour soi. » Kant, Critique du jugement, 1790 De ces trois vices la paresse, la lĂąchetĂ©, la faussetĂ©, le premier semble ĂȘtre le plus mĂ©prisable. » Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, 1798 Que l’on s’informe tout particuliĂšrement sur les personnes qui se distinguent par une conduite indigne ! On dĂ©couvrira invariablement soit qu’elles n’ont pas appris Ă  travailler, soient qu’elles fuient le travail. » Fichte, Discours Ă  la nation allemande, 1807 Comme il apparaĂźt dĂ©jĂ  dans les derniĂšres citations, l’amour du travail s’avĂšre Ă©troitement liĂ© Ă  la haine des oisifs Chacun doit pouvoir vivre de son travail, dit un principe avancĂ©. Ce pouvoir-vivre est donc conditionnĂ© par le travail et n’existe nullement lĂ  oĂč la condition ne serait pas remplie. » Fichte, Fondement du droit naturel, 1796 Dans les pays chauds, l’homme est mĂ»r plus tĂŽt Ă  tous Ă©gards mais n’atteint pas la perfection des zones tempĂ©rĂ©es. L’humanitĂ© dans sa plus grande perfection se trouve dans la race blanche. Les Indiens jaunes n’ont que peu de capacitĂ©s, les Noirs leur sont bien infĂ©rieurs encore, et au plus bas de l’échelle se placent certaines peuplades amĂ©ricaines. » Kant, GĂ©ographie physique, 1802 Le barbare est paresseux et se distingue de l’homme civilisĂ© en ceci qu’il reste plongĂ© dans son abrutissement, car la formation pratique consiste prĂ©cisĂ©ment dans l’habitude et dans le besoin d’agir. » Hegel, Principes de la philosophie du droit, 1820 Ces propos excluants et racistes sous la plume des philosophes des LumiĂšres ne sont nullement de simples accidents de parcours mais relĂšvent au contraire de l’essence mĂȘme de l’idĂ©ologie du travail. Parce que ce courant de pensĂ©e transfigure le travail en vĂ©ritable but de l’existence de l’homme », tous les dĂ©sƓuvrĂ©s se voient par contrecoup exclus de la race humaine » l’homme est tenu de travailler ; partant, celui qui ne travaille pas ne peut prĂ©tendre au statut d’ĂȘtre humain Ă  part entiĂšre. Ce qui s’exprime ici, c’est la colĂšre du bourreau de travail blanc envers la pression qu’il s’est lui-mĂȘme imposĂ©e, une colĂšre qui prend pour cible tout ce qui fait mine de ne pas se soumettre Ă  ladite pression et de mener une existence oisive les femmes, en charge de la vraie vie » au sein de la sphĂšre privĂ©e – dissociĂ©e du travail – de la famille bourgeoise ; toutes sortes de peuples les attributions sont, cette fois, plus variĂ©es vivant, sans travailler, d’amour et d’eau fraĂźche ; ou encore le capital accapareur[2] », qui s’approprie sans travailler la survaleur créée par d’autres. Les idĂ©ologies modernes du sexisme, du racisme, de l’antitsiganisme et de l’antisĂ©mitisme sont fondĂ©es, elles aussi, sur l’éthos du travail. A partir des annĂ©es 1970, en faisant disparaĂźtre du procĂšs de production des quantitĂ©s toujours croissantes de travail, le potentiel de rationalisation de la microĂ©lectronique a plongĂ© le capitalisme dans la crise. Pour autant, la pression intĂ©rieure et extĂ©rieure qui pousse les hommes Ă  travailler n’a pas diminuĂ© mais s’est mĂȘme au contraire accentuĂ©e Ă  mesure que se rarĂ©fiaient les emplois ». Pour les laissĂ©s pour compte, les conditions se sont durcies ils sont dĂ©sormais trop nombreux pour que leur entretien humain reste longtemps encore compatible avec le maintien de la compĂ©titivitĂ© au plan global. La nĂ©cessitĂ© incontournable de ramener les hommes au travail » Angela Merkel ne fait qu’obscurcir la perception du problĂšme la responsabilitĂ© du chĂŽmage ne serait plus imputable Ă  la disparition progressive du travail mais aux chĂŽmeurs eux-mĂȘmes, qu’il faudrait par consĂ©quent ramener, par tous les moyens de coercition dont on dispose, Ă  un travail qui n’existe plus. Quelque chose de semblable se dĂ©roule Ă©galement au niveau europĂ©en on impose aux pays en faillite » restĂ©s Ă  la traĂźne de l’Europe des politiques d’austĂ©ritĂ© grĂące auxquelles ils sont censĂ©s, une fois cette pĂ©nible Ă©preuve traversĂ©e, redevenir compĂ©titifs. C’est aussi crĂ©dible que si la FĂ©dĂ©ration allemande de football prĂ©tendait, par un entraĂźnement appropriĂ©, hisser tous Ă  la fois les dix-huit clubs de la Bundesliga[3] aux quatre places possibles en Ligue des champions[4]. Il n’y a manifestement d’issue que dans l’abolition du travail, mais cela implique bien sĂ»r d’abolir Ă©galement le capitalisme. S’y oppose en outre notre Ă©thos du travail, fruit de plusieurs siĂšcles de dressage D’aucuns diront qu’il est certes agrĂ©able d’avoir un peu de loisir, mais que les gens ne sauraient pas comment remplir leurs journĂ©es s’ils n’avaient Ă  travailler que quatre heures par jour. Dans la mesure oĂč cela est vrai dans le monde moderne, cela constitue un reproche adressĂ© Ă  notre civilisation ; Ă  toute autre Ă©poque antĂ©rieure, ce n’aurait pas Ă©tĂ© le cas. » Bertrand Russell, Eloge de l’oisivetĂ©, 1932 Le sort que Hegel assignait aux barbares » nous revient donc celui qui est sans emploi n’a plus qu’à rester plongĂ© dans son abrutissement ». Autrement dit si le sujet bourgeois rĂ©pugne tellement Ă  imaginer sa vie sans le travail, c’est aussi parce que derriĂšre son Ă©thos du travail rĂŽde la peur panique de sa propre vacuitĂ©. Version augmentĂ©e du texte publiĂ© dans Konkret, n°5, 2012 Traduction de l’allemand SĂźnziana [1]Ndt Syndrome d’épuisement professionnel. [2]Ndt Allusion Ă  la vision nazie mais qui est aussi celle d’une partie de la gauche opposant un bon capital crĂ©ateur schaffende Kapital Ă  un mauvais capital accapareur raffende Kapital. [3]Ndt Le championnat fĂ©dĂ©ral allemand. [4]Ndt Le championnat europĂ©en.

delivres), je me disais que je n'allais peut-ĂȘtre rien comprendre. Au final, c'Ă©tait bien plus accessible que ce que j'imaginais. Dans un court texte, Bertrand Russell a Ă©crit, en 1930, un Ă©loge de l'oisivetĂ© Nous pourrions dire de la paresse, mĂȘme, mais non, c'est plutĂŽt un Ă©loge aux loisirs. Il dĂ©nonce

Le travail est l’opium du peuple et je ne veux pas mourir droguĂ©. Boris Vian Le travail constitue une valeur fondamentale dans notre sociĂ©tĂ© moderne. Aujourd’hui, il n’est plus un moyen pour obtenir le nĂ©cessaire vital, il est ce qui permet l’accumulation et la domination. Il devient une obligation et une façon naturelle de s’épanouir. La sociĂ©tĂ© a fait de ce qui n’était qu’un moyen de subvenir Ă  ses besoins, une finalitĂ© Ă  part entiĂšre. Et si la recherche du bonheur, la dĂ©couverte de soi, l’épanouissement, la culture, les Ă©tudes, la recherche, la rĂ©flexion, l’amitiĂ©, l’amour, la crĂ©ation
 passaient par le loisir, l’otium, la flemme, l’oisivetĂ©, la paresse
 peu importe le nom que l’on veut lui donner, le rĂ©sultat Ă©tant le mĂȘme, un temps Ă  soi mis Ă  profit pour le loisir. J’entends par loisir cet hĂ©ritage lointain de la skholĂš grecque, de l’otium romain, de la vita contemplativa chrĂ©tienne. Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journĂ©e pour lui-mĂȘme est un esclave, qu’il soit d’ailleurs ce qu’il veut politique, marchand, fonctionnaire, Ă©rudit. Friedrich Nietzsche – Humain, trop humain, 1878 La valeur travail Dans l’antiquitĂ©, l’idĂ©al de vie Ă©tait un corps sain et un esprit sage qui se consacre Ă  la Culture et aux Ɠuvres de l’esprit. Les Romains divisaient la vie en deux activitĂ©s. L’otium que l’on traduit par le loisir et le negotium neg, otium par le travail. Le loisir n’était pas oisivetĂ©, il n’était pas improductif. Il Ă©tait avant tout libertĂ©. Le travail Ă©tait considĂ©rĂ© comme source de dĂ©gradation de la nature humaine et comme perte de temps pour les activitĂ©s sociales et citoyennes. Le travail n’était bon que pour les esclaves, les hommes libres ne devaient se consacrer qu’à ce qui Ă©tait considĂ©rĂ© comme la valeur de l’existence proprement humaine la vie publique, les sciences, les arts
 RaphaĂ«l – L’Ecole d’AthĂšnes 1509-1512 – Chambre de la Signature – MusĂ©es du Vatican – Chapelle Sixtine Il ne s’agissait pas de mĂ©priser le travail, mais d’éliminer des conditions de vie l’activitĂ© de satisfaire aux besoins matĂ©riels et aux besoins de survie. Ces besoins n’étaient pas valorisĂ©s ni valorisant car ils Ă©taient aussitĂŽt consommĂ©s dans un cycle de re-production, consommation. Dire que le travail et l’artisanat Ă©taient mĂ©prisĂ©s dans l’antiquitĂ© parce qu’ils Ă©taient rĂ©servĂ©s aux esclaves, c’est un prĂ©jugĂ© des historiens modernes. Les Anciens faisaient le raisonnement inverse ils jugeaient qu’il fallait avoir des esclaves Ă  cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie. C’est mĂȘme par ces motifs que l’on dĂ©fendait et justifiait l’institution de l’esclavage. Travailler, c’était l’asservissement Ă  la nĂ©cessitĂ©, et cet asservissement Ă©tait inhĂ©rent aux conditions de la vie humaine. Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Ed. Calmann-LĂ©vy, 1961, pp 95. Peu Ă  peu, au fil des siĂšcles, l’otium est affublĂ© et assimilĂ© Ă  de nombreux synonymes paresse, oisivetĂ©, dĂ©lassement, divertissement
 La paresse remplacera mĂȘme l’acĂ©die ou la paresse spirituelle pour devenir l’un des sept pĂ©chĂ©s capitaux et ĂȘtre rĂ©vĂ©latrice de la civilisation du travail comme valeur centrale de notre sociĂ©tĂ©. La crise morale française porte un nom c’est la crise du travail. Nicolas Sarkozy – Extrait du journal Le Monde – 23 Janvier 2007 On ne doit pas oublier que les concepts qui ont mis en mouvement le monde moderne et bouleversĂ©s notre conception viennent du loisir. L’otium Ă©tait vantĂ© par les philosophes, notamment SĂ©nĂšque, Montaigne ou encore Nietzsche. Pour ces philosophes le travail allait Ă  l’encontre du dĂ©veloppement de la raison les facultĂ©s intellectuelles, de la libertĂ© de conscience et empĂȘchait d’accĂ©der Ă  une rĂ©flexion originale et personnelle. Il ne faut pas oublier que, ne pas travailler, n’est pas nĂ©cessairement synonyme de paresse. Notre rapport au loisir est complexe, et dĂšs notre enfance, la sociĂ©tĂ© nous rĂ©pĂšte que la paresse est mĂšre de tous les vices, et le loisir est souvent vĂ©cu comme une absence. Une absence de travail, une absence de remplissage du temps qui passe. Mais si cette paresse pouvait sauver le monde ? Nous conduire vers les chemins du bonheur ? Gravure de Bonaventure-Louis PrĂ©vost – Frontispice de l’EncyclopĂ©die de Diderot et d’Alembert reprĂ©sentant la Raison et la Philosophie arrachant son voile Ă  la VĂ©ritĂ© rayonnante de lumiĂšre, gravĂ© en 1772 d’aprĂšs le dessin de Cochin datant de 1764. L’éloge de l’oisivetĂ© Qu’il s’agisse de Bertrand Russell avec l’apologie de l’oisivetĂ© » publiĂ© en 1932, du concept de la dĂ©croissance soutenable mis en avant par certains mouvements anti-productivistes, anti-consumĂ©riste et Ă©cologistes, la rĂ©duction du temps de travail n’est pas simplement apologie de l’oisivetĂ©. Mais pour ses objecteurs de croissance il s’agit d’une vĂ©ritable prise de conscience humaniste et Ă©cologique. Pour B. Russell dans l’apologie de l’oisivetĂ© » la valeur travail est un prĂ©jugĂ© moral des classes privilĂ©giĂ©es qui estiment que l’absence d’activitĂ© conduirait la plupart des hommes, surtout ceux des classes les plus pauvres Ă  la dĂ©pravation. L’idĂ©e que les pauvres puissent avoir des loisirs a toujours choquĂ© les riches. Bertrand Russell, l’éloge de l’oisivetĂ©, 1935 Il va dĂ©fendre l’idĂ©e que quatre heures de travail par jour suffiraient pour assurer aux populations les ressources indispensables Ă  la vie. Le travail pourrait ĂȘtre partagĂ© Ă©quitablement et Ă©viter ainsi que le reste de la population ne sombre dans le chĂŽmage et la faim. Les faits et la rĂ©alitĂ© nous le dĂ©montre mais la croyance en la croissance est toujours plus forte. On veut toujours avoir plus, combler nos tensions dans l’accumulation matĂ©rielle en espĂ©rant pouvoir cesser, cesser quoi
? Mais c’est justement cette accumulation qui est facteur de tension sociale et de violence dans notre sociĂ©tĂ©. Cette croissance crĂ©e plus de misĂ©reux que de personnes Ă  qui elle pourrait donner un revenu dĂ©cent. Et que dire de la surexploitation des ressources naturelles
 Le reste du temps pour B. Russell serait consacrĂ© au loisir, Ă  l’oisivetĂ©. Quand je suggĂšre qu’il faudrait rĂ©duire Ă  quatre le nombre d’heures de travail, je ne veux pas laisser entendre qu’il faille dissiper en pure frivolitĂ© tout le temps qui reste. Je veux dire qu’en travaillant quatre heure par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et qu’il devrait pouvoir disposer du reste de son temps comme bon lui semble. Dans un tel systĂšme social, il est indispensable que l’éducation soit poussĂ©e beaucoup plus loin qu’elle ne l’est actuellement pour la plupart des gens, et qu’elle vise, en partie, Ă  dĂ©velopper des goĂ»ts qui puissent permettre Ă  l’individu d’occuper ses loisirs intelligemment. Bertrand Russell, l’éloge de l’oisivetĂ©, 1935 Une oisivetĂ© forme d’otium qui serait consacrĂ©e Ă  toutes les formes de cultures des plus populaires aux plus intellectuelles, de l’activitĂ© sociale Ă  l’activitĂ© citoyenne en prĂŽnant une Ă©ducation libĂ©rĂ©e. Les activitĂ©s ont Ă©tĂ© inhibĂ©es par le culte du profit. Aujourd’hui une activitĂ© valorisĂ©e et valorisante doit ĂȘtre une activitĂ© qui rapporte. L’idĂ©e que les activitĂ©s dĂ©sirables sont celles qui engendrent des profits a tout mis Ă  l’envers. Bertrand Russell, l’éloge de l’oisivetĂ©, 1935 En rĂ©duisant le temps de travail, la recherche et l’originalitĂ© ne serait pas entravĂ©e. Car toutes les formes de crĂ©ation de recherche, d’éducation
 ne dĂ©pendraient pas de nos besoins de survie. La fatigue nerveuse et la lassitude ne prendraient pas la place du temps libre et selon B. Russell l’homme serait plus enclin Ă  la bienveillance qu’à la persĂ©cution et Ă  la suspicion, il apprendrait le partage, le vivre ensemble et non l’accumulation et la ne peut que faire le rapprochement entre les idĂ©es dĂ©veloppĂ©es par B. Russell et les pensĂ©es de Nietzsche, sur le travail. Dans la glorification du “ travail ”, dans les infatigables discours sur la “ bĂ©nĂ©diction du travail ”, je vois la mĂȘme arriĂšre pensĂ©e que dans les louanges adressĂ©es aux actes impersonnels et utiles Ă  tous Ă  savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, ce qu’on sent aujourd’hui, Ă  la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu’un tel travail constitue la meilleure des polices, qu’il tient chacun en bride et s’entend Ă  entraver puissamment le dĂ©veloppement de la raison, des dĂ©sirs, du goĂ»t de l’indĂ©pendance. Car il consume une extraordinaire quantitĂ© de force nerveuse et la soustrait Ă  la rĂ©flexion, Ă  la mĂ©ditation, Ă  la rĂȘverie, aux soucis, Ă  l’amour et Ă  la haine, il prĂ©sente constamment Ă  la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et rĂ©guliĂšres. Ainsi une sociĂ©tĂ© oĂč l’on travaille dur en permanence aura davantage de sĂ©curitĂ© et l’on adore aujourd’hui la sĂ©curitĂ© comme la divinitĂ© suprĂȘme. – Et puis ! Ă©pouvante ! Le “ travailleur ”, justement, est devenu dangereux ! Le monde fourmille d’ “ individus dangereux ” ! Et derriĂšre eux, le danger des dangers – l’individuum ! [
] Etes-vous complices de la folie actuelle des nations qui ne pensent qu’à produire le plus possible et Ă  s’enrichir le plus possible ? Votre tĂąche serait de leur prĂ©senter l’addition nĂ©gative quelles Ă©normes sommes de valeur intĂ©rieure sont gaspillĂ©es pour une fin aussi extĂ©rieure ! Mais qu’est devenue votre valeur intĂ©rieure si vous ne savez plus ce que c’est que respirer librement ? Si vous n’avez mĂȘme pas un minimum de maĂźtrise de vous-mĂȘme ? Nietzsche. Aurores 1881, Livre III, § 173 et § 206, trad. J. Hervier, Gallimard, 1970 Nietzsche ne critique pas le travail en lui-mĂȘme mais la valeur travail, la glorification du travail ». Il condamne cette idĂ©ologie qui tend Ă  en faire une valeur supĂ©rieure et qui pousse Ă  l’apologie de la croissance Ă©conomique. Pour Nietzsche cette survalorisation du travail conditionne l’individu et serait une volontĂ© politique de canalisation de rĂ©volte et d’épanouissement. Elle l’aliĂ©nerait et le dĂ©tournerait de sa propre humanitĂ©. L’énergie individuelle ne serait plus utilisĂ©e au service de l’individu mais au service de la productivitĂ©. Il n’aura plus la force de penser par lui-mĂȘme ni de se dresser contre l’État. Car le travail possĂšde une fonction policiĂšre qui occupe, soumet, Ă©puise et dĂ©tourne dans la poursuite d’autres buts que ceux que la sociĂ©tĂ© impose. On pourrait mĂȘme parler de valeur SĂ©curitĂ© autant valorisĂ©e aujourd’hui et Ă©rigĂ©e en fin en soi au dĂ©triment de la libertĂ© individuelle. Est-ce que trop de valeur sĂ©curitĂ© n’est pas Ă©gale Ă  un dĂ©sir de contrĂŽle des individus ? Troublant et troublĂ©e de retrouver les 2 thĂšmes phares de notre prĂ©sident Travail et sĂ©curitĂ©. Il faut laisser les gens travailler plus, pour gagner plus, c’est mon programme 
 Moi je veux ĂȘtre le candidat du travail. Nicolas Sarkozy – Extrait du journal Le Monde – FĂ©vrier 2007 On ne dira jamais assez le mal que les 35 heures ont fait Ă  notre pays. Comment peut-on avoir cette idĂ©e folle de croire que c’est en travaillant moins que l’on va produire plus de richesses et crĂ©er des emplois. Nicolas Sarkozy – TĂ©moignage Rembrandt – philosophe en mĂ©ditation 1632 A tort ou Ă  raison ? Est ce qu’il ne dĂ©pend pas de notre survie d’inventer une nouvelle forme de croissance ? On m’aurait menti, les ressources naturelles ne sont elles pas infinies ? Il est difficile d’aller vers un changement, vers une baisse de la consommation au sein de notre sociĂ©tĂ© quand le bonheur de la consommation, de la possession matĂ©rielle est indice de rĂ©ussite, d’épanouissement. La mesure du bonheur sur terre ne devrait pas seulement prendre en compte la croissance Ă©conomique. Je ne dis pas qu’il faudrait travailler quatre heures par jour ou encore ne pas travailler, je dis juste qu’il faudrait peut ĂȘtre revoir nos prioritĂ©s et rĂ©-injecter d’autres valeurs dans la sociĂ©tĂ©. Ne dit-on pas qu’il faut prendre le temps de se poser pour pouvoir rĂ©flĂ©chir. Prendre le temps, sortir du tumulte de nos activitĂ©s pour lĂ©zarder un peu, Ă  profit de soi et forcement des autres. Un temps mis Ă  profit de soi pourrait peut ĂȘtre nous rappeler que nous ne sommes pas tout seul. Toutes les pistes ne sont pas Ă  exclurent
 On peut se laisser rĂȘver Ă  un autre monde. Je vous laisse Ă  la rĂ©flexion et Ă  la paresse
 et la prochaine fois qu’on vous traitera de paresseux soyez en plus fier car l’argent ne mesure pas toutes les richesses. Bandeau de l’article © MusĂ©e d’Orsay, dist. RMN – Vincent van Gogh – La mĂ©ridienne dit aussi La sieste d’aprĂšs Millet – 1890
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