Nous lâEurope, Banquet des peuples,câest en somme un spectacle politique, musi- cal, visuel, Ă©pique, donnĂ© en outre dans un lieu qui joue du gigantesque, la cour du lycĂ©e Saint Joseph Avignon. Cela nâest pas sans rappeler le spectacle que devait ĂȘtre la tragĂ©die antique. Ajoutons la prĂ©sence du chĆur, dâun coryphĂ©e et de musi- ciens.
23 24 janvierNous, lâEuropeBanquet des PeuplesUn spectacle coproduit par la Cie du Passage qui, aprĂšs des reprĂ©sentations au prestigieux Festival dâAvignon, partira en tournĂ©e dans plusieurs pays et sera jouĂ© sur de grandes scĂšnes nationales de lâEurope, ses convulsions, ses blessures, ses trouĂ©es de lumiĂšre et ses utopies. Ce rĂ©cit choral, portĂ© par une foule de cinquante choristes et onze artistes venant dâAllemagne, de Belgique, de France, de GrĂšce, dâIrlande, de Pologne et de Suisse, interroge les liens entre les nations europĂ©ennes. Critique mais aussi rassembleur, ce spectacle invite Ă ne pas oublier lâimportance de la fraternitĂ© dans notre sociĂ©tĂ©. Le Temps â Alexandre DemidoffMon utopie que lâEurope soit enfin populaire»texteLaurent GaudĂ©conception, musique, mise en scĂšneRoland AuzetavecRobert BouvierRodrigo FerreiraOlwen FouĂ©rĂ©Vincent KreyderDagmara Mrowiec-MatuszakYasine OuichaRose-Nyndia MartineKaroline RoseEmmanuel SchwartzArtemis StavridiThibault Vinçonet le chĆurLyricascĂ©nographieRoland AuzetlumiĂšreBernard RevelchorĂ©graphieJoĂ«lle BouviervidĂ©oPierre Lanielcollaboration artistiqueCarmen JolinsonDaniele Segre AmarcostumesMireille Dessingyassistant Ă la mise en scĂšneVictor PavelrĂ©gie GĂ©nĂ©raleJean-Marc BeauProduction dĂ©lĂ©guĂ©eLâArchipel â scĂšne nationale de PerpignanCoproductionActOpus â Compagnie Roland AuzetScĂšne Nationale de Saint-NazaireCompagnie du Passage, NeuchĂątel SuisseThéùtre Prospero / Groupe de la VeillĂ©e MontrĂ©alThéùtre-SĂ©nart, scĂšne nationale Festival dâAvignonThéùtre de Choisy-le-Roi â ScĂšne conventionnĂ©e dâintĂ©rĂȘt national â Art et CrĂ©ation pour la diversitĂ©linguistiqueOpĂ©ra Grand AvignonMA ScĂšne Nationale de MontbĂ©liardTeatr Polski Bydgoszcz PologneChĂąteauvallon scĂšne nationaleMC2 Grenoble scĂšne nationalePartenaires EuropĂ©ens en coursFestival Temporada Alta, GĂ©rone Espagne, Dublin Theatre Festival Irlande, Teatr Polski Bydgoszcz Pologne.avec la participation artistique du Jeune théùtre national. + logo cf. documentationLa Compagnie Act Opus est soutenue au titre des Compagnies et Ensembles Ă Rayonnement National et International par le MinistĂšre de la Culture, DRAC Auvergne-RhĂŽne Alpes. Elle est en convention avec le Conseil RĂ©gional dâAuvergne-RhĂŽne au Festival dâAvignon
Nous l'Europe - Banquet des peuples de Laurent GaudĂ© - Collection Babel - Livraison gratuite Ă 0,01⏠dĂšs 35⏠d'achat - Librairie Decitre votre prochain livre est lĂ
Nous, l'Europe. Banquet des peuplesL'Europe, l'ancienne, celle d'un vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont l'alpha et l'omĂ©ga de ce texte en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, d'affrontements, d'enthousiasmes, de dĂ©faites et d'espoirs. A l'heure oĂč certains doutent, oĂč d'autres n'y croient plus, ce rĂ©cit europĂ©en humaniste rappelle qu'une mĂ©moire commune, mĂȘme douloureuse, est un ferment d'avenir. C'est donc d'une plume ardente que Laurent GaudĂ© compose une Ă©popĂ©e invitant Ă la rĂ©alisation d'une Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©.
Nous l'Europe, banquet des peuples, un spectacle écrit par Laurent Gaudé et mis en scÚne par Roland Auzet, poursuit sa tournée en passant notamment par le Théùtre MoliÚre de SÚte ce vendredi 4 février 2022. Facebook Twitter Pinterest Reddit Google+. Les regards du romancier Laurent Gaudé et du metteur en scÚne Roland Auzet trouvent dans ce spectacle un
Au programme des institutions théùtrales tragĂ©dies, odyssĂ©es et contes contemporains Par LĂ©na Martinelli Les Trois Coups Janvier. Lâoccasion de vous souhaiter de belles dĂ©couvertes, malgrĂ© une rentrĂ©e sous tension. Nos théùtres sont autant de chambres dâĂ©chos des crises qui traversent notre sociĂ©tĂ©, mais aussi de nos maux Ă©ternels, de nos inconsolables peines. Et dans ce contexte dĂ©lĂ©tĂšre, si nos théùtres comptent sur la prĂ©sence des publics, ces derniers ont plus que jamais besoin de vivre des Ă©motions, de penser, de rĂȘver. DâespĂ©rer ensemble. Quand parler du travail devient nĂ©cessaire et urgent. Anne-Laure LiĂ©geois dont on avait tant apprĂ©ciĂ© The Great Disaster de Patrick Kermann sâappuie sur trois textes Ă©crits Ă plus de cinquante ans dâintervalle, des piĂšces qui dĂ©crivent des Ă©poques diffĂ©rentes, mais qui ont en commun de poser un regard dĂ©calĂ© sur le travail de bureau. Avec une approche tendant vers lâabsurde, furieusement drĂŽle et sans concession, Entreprise, dĂ©clinaison en trois piĂšces â le MarchĂ© de Jacques Jouet 2020, lâIntĂ©rimaire de RĂ©mi De Vos 1995 et lâAugmentation de Georges Perec 1968 â traite, par le rire, de notre rapport au labeur. Actuellement créé au Volcan, scĂšne nationale du Havre, le spectacle entame une belle tournĂ©e. Pour divaguer sur les transformations Ă lâĆuvre, du travail mais aussi de nos modes de vie, le TNI / Théùtre national immatĂ©riel prĂ©sente Nickel au Nouveau Théùtre de Montreuil du 16 janvier au 1er fĂ©vrier. Créé au Centre dramatique national de Tours â Théùtre Olympia, oĂč la metteure en scĂšne Mathilde Delahaye est artiste associĂ©e et Ă©galement au Théùtre National de Strasbourg, ce spectacle est nĂ© dâune rencontre avec la communautĂ© de voguing parisien. On est devant une usine de nickel, Ă lâheure de la fermeture son dernier ouvrier vient nous parler du monde du travail ; puis, nous voici, vingt ans plus tard, au mĂȘme endroit le Nickel Bar a remplacĂ© le lieu industriel ; puis encore deux dĂ©cennies passent on trouve alors une Ă©trange communautĂ© surnageant dans les ruines du capitalisme. Une invitation gĂ©nĂ©reuse Ă rejoindre la quĂȘte dâun ĂȘtre-ensemble libre et sauvage », lit-on dans la note dâintention. PhĂšdre », de Racine, mise en scĂšne de Brigitte Jaques-Wajeman © Mirco Magliocca De sauvagerie, il en est encore question dans Ălectre / Oreste, mis en scĂšne par Ivo van Hove lire la critique de LĂ©na Martinelli. La tragĂ©die enflamme toujours les cĆurs. Brigitte Jaques-Wajeman sâattaque justement au sujet brĂ»lant de lâamour, monstre dĂ©vorateur aprĂšs avoir longuement explorĂ© le théùtre de Corneille, elle met en scĂšne PhĂšdre, la plus cĂ©lĂšbre tragĂ©die de Racine. Câest notre coup de cĆur de la rentrĂ©e. On est ressortie chavirĂ©e. Ă voir absolument au Théùtre de la Ville â Les Abbesses du 8 au 25 janvier lire la critique de LĂ©na Martinelli. Autre tragĂ©die du dĂ©sir de Racine, BĂ©rĂ©nice finit sa tournĂ©e avec un passage Ă Points Communs, Nouvelle scĂšne nationale de Cergy-Pontoise les 16 et 17 janvier et au Théùtre de Sartrouville les 21 et 22 janvier. CĂ©lie Pauthe fait dialoguer ce monument théùtral sur lâempire de la passion avec un court-mĂ©trage de Marguerite Duras. Une tragĂ©die incandescente. Nous, lâEurope, banquet des peuples », de Laurent GaudĂ©, mise en scĂšne de Roland Auzet © Christophe Raynaud de Lage Ăgalement amateur de poĂšmes tragiques, Ă©piques et flamboyants, Laurent GaudĂ© narre, quant Ă lui, lâhistoire mouvementĂ©e, longtemps guerriĂšre, de ce vieux continent que lâon nomme Europe. Créé lors du Festival dâAvignon, Nous, lâEurope, banquet des peuples entame une longue tournĂ©e dans toute la France, avec une sĂ©rie au Théùtre GĂ©rard Philipe, Centre dramatique national de Saint-Denis du 25 mars au 2 avril Lire la critique de Juliette Nadal. Ce texte contemporain mis en scĂšne par Roland Auzet, en faveur dâune Europe solidaire, transcende le discours politique aujourdâhui, lâEurope semble avoir oubliĂ© quâelle est la fille de lâĂ©popĂ©e et de lâutopie », Ă©crit lâauteur. Une autre odyssĂ©e, prĂ©sentĂ©e dans le cadre du Festival dâAvignon, est Ă©galement visible Architecture de Pascal Rambert lire la critique de LorĂšne de Bonnay, avec une distribution de premier choix Emmanuelle BĂ©art, Audrey Bonnet, Anne Brochet, Arthur Nauzyciel, Stanislas Nordey, Denis PodalydĂšs, Laurent Poitrenaux, Jacques WeberâŠ. AprĂšs les Bouffes du Nord, le spectacle est jouĂ© en Ile-de-France aux GĂ©meaux, scĂšne nationale de Sceaux, du 24 janvier au 1er fĂ©vrier. Invisibles », de Nasser DjemaĂŻ © Philippe Delacroix Les rĂ©cits fondateurs inspirent dĂ©cidĂ©ment nombre dâauteurs, comme Nasser DjemaĂŻ Invisibles, sous-titrĂ©, La TragĂ©die des chibanis » cheveux blancs » en arabe, relie le drame des travailleurs immigrĂ©s Ă la retraite Ă la descente aux enfers de lâĂnĂ©ide. Le protagoniste affronte les fantĂŽmes du passĂ©, le sien, mais aussi ceux des Ă©migrĂ©s maghrĂ©bins coincĂ©s dans un foyer Sonacotra. Racisme, solitude, absurditĂ© des rapports sociaux dans nos villes, Ă nos portes, composent donc cette tragĂ©die moderne lire la critique de LĂ©na Martinelli. Outre la reprise dâInvisibles Ă la MC93, du 11 au 18 janvier, deux autres piĂšces de cet auteur contemporain sont Ă lâaffiche Ă La Colline elles tourneront ensuite. HĂ©ritiers du 9 au 22 janvier place Julie face Ă son hĂ©ritage, dans un monde en pleine mutation, tandis que Vertiges du 29 janvier au 8 fĂ©vrier traite des banlieues, des citĂ©s, bref des quartiers dits sensibles », mondes parallĂšles tout prĂšs de chez nous et lieux qui cristallisent les peurs. Lâensemble compose une trilogie autour du pourrissement, celui des dĂ©ceptions et des humiliations quâĂ petites doses transmettent Ă leurs descendants ceux qui ont vĂ©cu lâexil et les arrachements dans les plis invisibles de silences, de petits riens et de murmures Ă peines audibles », prĂ©cise Nasser DjemaĂŻ. Contes et lĂ©gendes », de JoĂ«l Pommerat © Ălisabeth Carecchio Autre artiste incontournable JoĂ«l Pommerat, dont les crĂ©ations constituent toujours un Ă©vĂ©nement. PortĂ© par dâautres comĂ©diens que ceux de sa troupe habituelle, Contes et lĂ©gendes se prĂ©sente comme un spectacle dâanticipation mettant en scĂšne des adolescents et des robots humanoĂŻdes. Comment faire exister des corps, des voix, des individus ? Lâauteur poursuit sa recherche dâincarnation Ă travers cette question passionnante de lâhumanitĂ© artificielle. Ă dĂ©couvrir au Théùtre Nanterre-Amandiers, du 9 janvier au 14 fĂ©vrier lire la critique de Trina Mounier. Ce beau programme va donc embraser nos scĂšnes. Voix et corps entremĂȘlĂ©s, diaspora de langues, audaces stylistiques tĂ©moignent du foisonnement crĂ©atif actuel. Pour finir sur une note plus lĂ©gĂšre, tendre et fantaisiste, il est encore possible de voir Incertain monsieur Tokbar en Ile-de-France, au Théùtre de Saint-Quentin-en-Yvelines du 16 au 18 janvier, avant les ultimes reprĂ©sentations en rĂ©gions. Les spectacles de Michel Laubu sont de merveilleux stimulants pour lâimagination. Son dernier opus, signĂ© avec Ămili Hufnagel, est sans doute lâun des plus aboutis. Mieux encore, leur inaltĂ©rable tendresse nous rend heureux », sâenthousiasme Trina Mounier lire sa critique ici. Voici donc quelques spectacles pour bien dĂ©marrer 2020 ! Bonne annĂ©e Ă tous nos lecteurs ! ¶ LĂ©na Martinelli Entreprise, dâAnne-Laure LiĂ©geois âą TournĂ©e ici Nickel, de Mathilde Delahaye et Pauline Haudepin âą TournĂ©e ici Ălectre / Oreste, dâEuripide, mise en scĂšne dâIvo van Hove âą La ComĂ©die-Française jusquâau 16 fĂ©vrier âą Infos ici PhĂšdre, de Racine, mise en scĂšne de Brigitte Jaques-Wajeman âą TournĂ©e ici BĂ©rĂ©nice, de Racine, mise en scĂšne de CĂ©lie Pauthe âą TournĂ©e ici Nous, lâEurope, banquet des peuples, de Laurent GaudĂ©, mise en scĂšne de Roland Auzet âą Infos ici âą TournĂ©e ici Architecture, de Pascal Rambert âą Infos ici âą TournĂ©e ici Invisibles, HĂ©ritiers, Vertiges, de Nasser DjemaĂŻ âą TournĂ©e ici Contes et lĂ©gendes, de JoĂ«l Pommerat âą TournĂ©e ici Incertain monsieur Tokbar, du Turak Théùtre âą TournĂ©e ici
LextrĂȘme droite « folkiste » et lâantisĂ©mitisme. StĂ©phane François. Il existe en France depuis le milieu des annĂ©es soixante-dix une extrĂȘme droite visible qui se rĂ©clame du paganisme. Ce paganisme contemporain, ou nĂ©o-paganisme, sâest manifestĂ© en premier, en 1963, dans le discours du groupuscule/revue Europe-Action proche
LâHistoire LâEurope, lâancienne, celle dâun vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et lâUnion europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont lâalpha et lâomĂ©ga de ce texte en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, dâaffrontements, dâenthousiasmes, de dĂ©faites et dâespoirs. A lâheure oĂč certains doutent, oĂč dâautres nây croient plus, ce rĂ©cit europĂ©en humaniste rappelle quâune mĂ©moire commune, mĂȘme douloureuse, est un ferment dâavenir. Câest donc dâune plume ardente que Laurent GaudĂ© compose une Ă©popĂ©e invitant Ă la rĂ©alisation dâune Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©. Merci Ă Yvan de mâavoir incitĂ© Ă dĂ©couvrir ce livre Nous, lâEurope Banquet des peuples » de Laurent GaudĂ©. Lisez sa jolie chronique ici 1848, le Printemps des peuples » est la matrice originelle de lâidĂ©e europĂ©enne. Câest Ă ce moment prĂ©cis que Laurent GaudĂ© dĂ©bute son rĂ©cit sur lâaventure europĂ©enne dans son bel essai Nous, lâEurope Banquet des peuples . En 100 pages, Laurent GaudĂ© fait avec maestria le portrait dâune Europe qui est morte plusieurs fois avant de renaĂźtre Ă la vie. Victor Hugo prononce un discours lors du CongrĂšs des amis de la paix universelle »qui sâouvre le 21 aoĂ»t 1849 Ă Paris. LâĂ©crivain y prophĂ©tise lâeffacement des frontiĂšres sur la carte et des prĂ©jugĂ©s dans les cĆurs » et appelle de ses vĆux Ă la crĂ©ation des Ătats-Unis dâEurope », garants de la fraternitĂ© des hommes ». Cent soixante dix ans plus tard, toute proportion gardĂ©e, Laurent GaudĂ©, intellectuel et auteur brillant, tisse Ă nouveau la trame dâune Europe de fraternitĂ©, dâouverture et dâhumanisme quâil souhaite voir Ă©merger. Sa plume est pleine de verve de souffle lorsquâil invoque la colonisation, le pĂȘchĂ© originel dâune Europe dont les Ătats voulaient se partager le monde pour leur seul profit. Il Ă©voque aussi les deux conflits mondiaux de 1914-1918 et de 1939-1945 qui saigneront des gĂ©nĂ©rations entiĂšres de jeunes europĂ©ens mais pas seulement songeons aux tirailleurs sĂ©nĂ©galais.. et puis cette impardonnable compromission avec le mal incarnĂ© par les rĂ©gimes fascistes, le national-socialisme.. Quid du communisme et de Staline dont les crimes sont ici passĂ©s sous silence, ce que je regrette profondĂ©ment. La Shoah bien sĂ»r, Ă©vĂ©nement traumatique face auquel nous restons tous sans mot tant lâhorreur est ici indicible. La chape de plomb communiste Ă lâEst, coupant lâEurope en deux jusquâĂ la chute du mur en 1989. Lâhistoire ne sâarrĂȘte pas lĂ puisque quelques annĂ©es plus tard la guerre sĂ©vit Ă nouveau en Europe, en Ex Yougoslavie cette fois, oĂč les Serbes orthodoxes, les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans sâentretuent. Laurent GaudĂ© a le don de rendre son texte clair et bien construit. Câest Ă un sursaut quâil nous incite pour faire vivre cette Europe trop technocratique Ă son goĂ»t, pas assez traversĂ© par le souffle de la jeunesse des peuples dâEurope. Je trouve trĂšs intĂ©ressant que Laurent GaudĂ© puisse prendre la plume afin de nous dĂ©voiler son dĂ©sir dâEurope. Bien sĂ»r, il y a une part dâutopie trĂšs importante dans son texte. On peut trouver cela naĂŻf mais lâon sent toute la sincĂ©ritĂ© de lâauteur. Jâai des divergences de point de vue sur sa vision » de lâhistoire europĂ©enne. La perception du monde de Laurent GaudĂ© est trĂšs trop bien pensante ». Je ne vais pas vous le cacher, sa perception candide de Mai 68 mâa heurtĂ©. Nous nâen sommes plus lĂ fort heureusement. Jâaurais souhaitĂ© voir Laurent GaudĂ© prendre davantage de risques quand Ă ses prises de position. Un peu Ă lâimage de ce que peut faire Michel Onfray par exemple. Jâai trouvĂ© ainsi dommage que sur les questions dâimmigrations, sujet polĂ©mique et pertinent sâil en est, avec ces clivages entre une Italie refusant les migrants, lâextrĂȘme droite Ă©tant au pouvoir et une position officielle française pour le moins ambiguĂ«.. jâaurais donc souhaitĂ© voir un humaniste tel que Laurent GaudĂ© prendre position de façon claire, le tout avec un propos ambitieux et salutaire. Hors lâauteur ne nous en dit pas plus sur ses solutions, doit-on accueillir tous ces ĂȘtres humains en souffrance ? le peut-on sans risquer la dĂ©stabilisation dâĂ©quilibres dĂ©jĂ prĂ©caires ? enfin, jâaurais aimĂ© quâil nous parle dâune Europe, qui nâest plus en paix, depuis que lâislamisme radical nous a dĂ©clarĂ© la guerre au nom dâune idĂ©ologie mortifĂšre. Quel place lâislam doit elle avoir en Europe ? Que faire face Ă la montĂ©e des populismes dâextrĂȘme gauche ou dâextrĂȘme droite ? Ceux sont des sujets trĂšs complexes et je comprends parfaitement que rĂ©pondre Ă ces interrogations auraient nĂ©cessitĂ© un travail diffĂ©rent. JâĂ©mets donc des rĂ©serves sur ce texte et surtout sur les derniers chapitres de Nous, lâEurope Banquet des peuples », je souligne la qualitĂ© littĂ©raire de ce rĂ©cit qui nâest pas sans rappeler, un autre auteur fascinant, aimant parler dâhistoire Eric Vuillard. Lire Laurent GaudĂ©, quoiquâil en soit, est toujours dâune infinie richesse intellectuelle. Son livre est bouillonnant et je le redis empli dâun souffle qui manque trop souvent Ă nos hommes et femmes politiques. A lire en ces temps troublĂ©s. Ma note 3,5 /5. BrochĂ© 182 pages Ăditeur Actes Sud 1 mai 2019 Collection Domaine français LâHistoire A la fin des annĂ©es 2060, la prĂ©sidente française de Transparence, une sociĂ©tĂ© du numĂ©rique implantĂ©e en terre sauvage dâIslande, est accusĂ©e par la police locale dâavoir orchestrĂ© son propre assassinat. Or au mĂȘme moment, son entreprise sâapprĂȘte Ă commercialiser le programme Endless, un projet rĂ©volutionnaire sur lâimmortalitĂ©, qui consiste Ă transplanter lâĂąme humaine dans une enveloppe corporelle artificielle. Alors que la planĂšte est gravement menacĂ©e par le rĂ©chauffement climatique, cette petite start-up qui est sur le point de prendre le contrĂŽle du secteur numĂ©rique pourra-t-elle sauver lâhumanitĂ© ? Avec son dernier livre Transparence , Marc Dugain signe un roman dâanticipation qui est aussi une satire de notre monde ou tout du moins de ce quâil sera en 2060. Avec fĂ©rocitĂ©, il sâattache Ă nous offrir un condensĂ© de ce pourquoi lâhumanitĂ© est en pĂ©ril. La cupiditĂ© des GAFA Google, Apple, Facebook, Amazon, lâargent vĂ©ritable veau dâor dâune sociĂ©tĂ© qui ne songe plus quâĂ dilapider les ressources de la planĂšte pour conserver son mode de vie occidental et son idĂ©al consumĂ©riste, la duplicitĂ© du monde politique et des diffĂ©rentes religions monothĂ©istes Ă ce titre le portrait fait de lâĂglise catholique et du Pape est dâune violence digne des brĂ»lots anti-clĂ©ricaux du dĂ©but du XXĂšme siĂšcle au moment de la loi 1905 de sĂ©paration de lâĂglise et de lâĂtat. Transparence » est un pamphlet, câest sa force mais aussi sa limite tant le trait semble manquer parfois de nuance. A trop vilipender les responsables de cette situation catastrophique pour lâavenir de la planĂšte, de lâhumanitĂ© tout entiĂšre, Marc Dugain perd en luciditĂ©, en raisonnement, en complexitĂ© ce quâil traduit par un trait de plume acerbe, colĂ©rique et provocateur. Le style dâĂ©criture, point fort de ce grand auteur, est ici sans rĂ©el souffle. Ce qui au dĂ©part nous amuse, devient peu Ă peu redondant et, disons le, assez vain. Câest dommage car lâhistoire de cette petite sociĂ©tĂ© du numĂ©rique, transhumaniste, basĂ©e en Islande et dirigĂ©e par une Française qui grĂące au programme secret Endless » fait basculer le destin du monde, Ă©tait une belle idĂ©e. Trop court et caricatural pour ĂȘtre marquant, trop long pour susciter autre chose quâun ennui poli, jâai pour ma part trouvĂ© ce Transparence » trĂšs dĂ©cevant eu Ă©gard aux qualitĂ©s dâun Ă©crivain tel que Marc Dugain. Un rendez-vous manquĂ©. Ma note 3/5. BrochĂ© 224 pages Ăditeur Gallimard 25 avril 2019
Retrouvezl'ebook Nous, l'Europe - Banquet des peuples de Laurent GaudĂ© - Ăditeur Ăditions Actes Sud - Format ePub - Librairie Decitre votre prochain livre est lĂ Apparemment, javascript est dĂ©sactivĂ© sur votre navigateur.
Selon les derniers sondages, pas plus de 40 % des Ă©lecteurs iront voter dimanche 26 mai pour les Ă©lections europĂ©ennes. Le romancier et dramaturge Laurent GaudĂ© en appelle au "sursaut" dans un texte trĂšs fort en forme de chant l'Europe banquet des peuples Actes Sud. Laurent GaudĂ© trace dans ce poĂšme fulgurant toute l'histoire de l'Europe depuis la naissance des nations et de la sociĂ©tĂ© industrielle au XIXe siĂšcle, jusqu'Ă l'Europe dĂ©senchantĂ©e d'aujourd'hui, en passant par la colonisation, les deux grandes guerres, la Shoah, le traitĂ© de Rome, mai 68 ou la Guerre Froide⊠Un livre d'une puissance Ă©tonnante, que l'on lit d'un trait, et qui dresse un portrait bouleversant de cette Ă©trange entitĂ© qu'est l'Europe, aujourd'hui mise en pĂ©ril par la montĂ©e en puissance des europhobes. Ă quoi sert-elle ? Quel est son avenir ? Comment la construire ? Quel sens lui donner ? Comment Laurent GaudĂ© rĂ©ussit-il l'exploit de nous embarquer littĂ©ralement dans cette rĂ©flexion sur un sujet qui habituellement nous endort ? Parce que Laurent GaudĂ© nous plonge aux racines de l'Europe Laurent GaudĂ© plonge aux sources de l'Europe "Il faut fouiller dans le XIXe siĂšcle / Parce que dans ses entrailles il y a notre visage"Page 30. Au tout dĂ©but, il y a 1848, "la chute des rois coiffĂ©s comme des poupĂ©es de calĂšche", rappelle-t-il. "Quelque chose va naĂźtre / Et ce sera d'abord rouge et grimaçant". Des soulĂšvements, un peu partout en Europe, Palerme, Paris, Milan, Berlin⊠"Nous sommes nĂ©s de l'utopie et du mĂ©contentement", souligne Laurent GaudĂ©. Vous avez peur ? interroge-t-il, alors "Pensez Ă Hugo, et Ă son exil". Les grandes rĂ©volutions ne se font pas dans le calme, et sans casse, rappelle l'Ă©crivain. Celle-lĂ , la premiĂšre, creuse le nid des nations, du suffrage universel, de la libertĂ© de la presse. "Et nous sommes lĂ , / Nous / Avec ces mots qui nous ont Ă©tĂ© lĂ©guĂ©s "Nation", "ĂgalitĂ©", "LibertĂ©"/ que nous contemplons avec fatigue. / Depuis si longtemps nous sommes citoyens de l'ennui. / Jeunesse ! / Jeunesse ! / Il nous faut ton sursaut." Parce qu'il dĂ©voile l'ADN de l'Europe, en racontant son histoire sans tabou AprĂšs avoir plongĂ© dans les racines, Laurent GaudĂ© remonte le fil du bois, sans nĂ©gliger aucune ramification la rĂ©volution industrielle, course effrĂ©nĂ©e, le progrĂšs, Ă©rigĂ© en valeur suprĂȘme, et les dĂ©gĂąts, dĂ©jĂ . Puis le colonialisme. "Pendant des siĂšcles, nous avons mangĂ© le monde", regrette le romancier, qui Ă©grĂšne les noms des tyrans, nous invitant Ă cracher dessus LĂ©opold II, au Congo Lothar Von Trotha, et Heinrich Goering le pĂšre de Hermann ! en Namibie. "Tant d'hommes envoyĂ©s sur ces terres comme des chiens tout-puissants, se sont habituĂ©s Ă rĂ©gner en petits tyrans, A violer tant qu'ils voulaient, A tuer sans consĂ©quences, A jouir en d'hommes en ont asservi tant d'autresEn ne voyant mĂȘme pas le mal⊠Vernichnung Le mot est plantĂ© en terre Et ne cessera de croĂźtre". La boucherie de 14. Le traitĂ© de Versailles "une humiliation, nous le paierons". En attendant, l'Europe vit une parenthĂšse enchantĂ©e les annĂ©es 20. "L'Europe a besoin des seins de JosĂ©phine et des poĂšmes de Cendrars". De courte durĂ©e, la parenthĂšse. 1933, "une odeur nouvelle envahit Berlin". Partout en Europe, on dĂ©signe les "IndĂ©sirables". Laurent GaudĂ© les cite tous les Juifs en Allemagne, les Grecs en Turquie, les Turcs en GrĂšce, les Catalans, les rĂ©volutionnaires, les communistes, les RĂ©publicains, en Espagne⊠Les premiers camps de concentration ouvrent leurs portes en France. La seconde guerre mondiale se prĂ©pare. Elle apporte avec elle les plus grands crimes contre l'humanitĂ©. "Et l'on s'arrĂȘte devant l'abĂźme, / Conscient de ne pouvoir que se taire". L'Europe s'est construite de sang, de larmes, mais aussi de lumiĂšres, rappelle le romancier. "Nous avons les hĂ©ros en partage / Qui nous ont lĂ©guĂ© un continent plus vaste que nos pays / Une terre que nous devons habiter / Pour eux, / Dans le sens de l'intelligence." Camus Parce qu'il nous explique pourquoi l'Europe d'aujourd'hui ennuie ses concitoyens C'est sans passion populaire que l'Europe telle qu'on la connaĂźt aujourd'hui s'est construite, nous dit Laurent GaudĂ©, "et c'est peut-ĂȘtre-lĂ sa faute originelle", ajoute-t-il, s'Ă©tonnant d'une telle naissance, sans rĂ©volution, sans embrasement, "sans volontĂ© populaire qui renverse tout". Mais il fallait sans doute cela "aprĂšs la fureur de la guerre, aprĂšs les grandes foules fascinĂ©es par un seul homme aux mains tendues". Le romancier nous invite Ă observer la photographie prise en 1957, qui immortalise la naissance de l'Europe, "une grande tablĂ©e oĂč tant d'hommes que nous ne connaissons pas signet des documents". Une nouvelle Europe est nĂ©e, "sans passion, sans emportement. / La nuance. / Et le compromis". Parce qu'il nous fait aimer cette Europe nĂ©e dans la douleur, et accouchĂ©e dans l'indiffĂ©rence des peuples Laurent GaudĂ© nous fait aimer cette Europe, comme on aime les ados mĂȘme s'ils sont ingrats dans tous les sens du terme parce qu'ils sont aussi une promesse. La Guerre froide, mai 68, les dĂ©sillusions et la chute du mur de Berlin, qui ouvre la voie Ă l'Ă©largissement. Que sera l'Europe de demain ? "Le territoire est vaste et nous ne le connaissons pas. Il y a une Europe Ă inventer", avance Laurent GaudĂ©. "Qui sommes-nous maintenant ? / Une nation de nations vaste, diffĂ©rente / Qui cherche le socle commun sur lequel elle pourra s'unir". Les EuropĂ©ens ont en commun d'avoir "traversĂ© le feu", dit-il. "Nous connaissons l'abĂźme, / nous avons Ă©tĂ© avalĂ©s par sa profondeur", mais l'Europe est aussi "un passĂ© qui veut devenir une boussole". Comment s'y prendre ? "Grand banquet. / C'est cela qu'il nous faut, maintenant. / De l'ardeur / De la chair et du verbe !", invite le romancier. Redonner la sĂšve Ă une Europe nĂ©e de la raison, au "risque de devenir un grand corps vide". Donner chair Ă une Europe qui n'a pas comme but ultime de "dominer le monde", mais d'ĂȘtre "Pour le monde entier / le visage lumineux / De l'audace / De l'esprit / Et de la libertĂ©". Parce qu'il fait usage de la force du poĂšte Laurent GaudĂ©, comme Hugo ou Camus, dĂ©montre magistralement que la littĂ©rature peut servir les idĂ©es. LĂ oĂč les politiques, les Ă©ditorialistes Ă©chouent Ă nous convaincre, le poĂšte emporte le morceau. Car si Laurent GaudĂ© nous raconte une histoire que nous connaissons dĂ©jĂ par cĆur - nous l'avons Ă©tudiĂ©e Ă l'Ă©cole dans les dĂ©tails - il nous donne l'impression de l'entendre pour la premiĂšre fois. Il fait mĂȘme mieux, il rĂ©ussit Ă susciter l'Ă©motion, l'enthousiasme, amorçant lui-mĂȘme le mouvement qu'il appelle de ses vĆux, un mouvement nourri "de la chair, et du verbe". Le romancier et dramaturge dĂ©roule son texte comme un long poĂšme, comme une odyssĂ©e, comme un cri ininterrompu, qui nous emporte. On ne le lit pas, on se le dĂ©clame intĂ©rieurement. Une bonne nouvelle son texte est au programme du prochain Festival d'Avignon, dans une mise en scĂšne de Roland Auzet, du 6 au 14 juillet. Nous, l'Europe banquet des peuples, de Laurent GaudĂ© Actes Sud - 192 pages, 17,80 euros
Ils'agit d'une histoire de famille, une métaphore de l'Europe avec une distribution extraordinaire. On peut la rapprocher de celle de Laurent
L'Europe, l'ancienne, celle d'un vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de... Lire la suite 7,40 ⏠Neuf Poche ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă 6 jours 5,50 ⏠ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă 6 jours LivrĂ© chez vous entre le 1 septembre et le 6 septembre L'Europe, l'ancienne, celle d'un vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont l'alpha et l'omĂ©ga de ce texte en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, d'affrontements, d'enthousiasmes, de dĂ©faites et d'espoirs. A l'heure oĂč certains doutent, oĂč d'autres n'y croient plus, ce rĂ©cit europĂ©en humaniste rappelle qu'une mĂ©moire commune, mĂȘme douloureuse, est un ferment d'avenir. C'est donc d'une plume ardente que Laurent GaudĂ© compose une Ă©popĂ©e invitant Ă la rĂ©alisation d'une Europe des diffĂ©rences, de Ia solidaritĂ© et de la libertĂ©. Date de parution 01/09/2021 Editeur Collection ISBN 978-2-330-15374-8 EAN 9782330153748 Format Poche PrĂ©sentation BrochĂ© Nb. de pages 192 pages Poids Kg Dimensions 11,1 cm Ă 17,8 cm Ă 1,3 cm Biographie de Laurent GaudĂ© Romancier, nouvelliste et dramaturge nĂ© en 1972, Laurent CaudĂ© a reçu en 2004 le prix Goncourt pour son roman le Soleil des Scorta. Son oeuvre, traduite dans le monde entier, est publiĂ©e par Actes Sud.
Nous l'Europe. Banquet des peuplesL'Europe, l'ancienne, celle d'un vieux monde bouleversé par la révolution industrielle, et l'Union européenne, belle utopie .
Du 4 au 23 juillet sâest tenu lâĂ©dition 2019 du Festival dâAvignon, la 73e. Si LâOdyssĂ©e se prĂ©sente comme le thĂšme principal du plus grand festival de théùtre au monde cette annĂ©e, une autre couleur vient teinter la programmation de cet Ă©tĂ©. LâEurope sâinstalle en effet comme irrĂ©mĂ©diable sujet de plusieurs spectacles phares du festival et rĂ©vĂšle de nombreuses caractĂ©ristiques propres Ă une certaine frange de la crĂ©ation contemporaine qui dĂ©sire ardemment parler du prĂ©sent politique. Le Festival dâAvignon 2019 se voulait Ă©minemment politique, en Ă©cho avec les urgences de notre temps, ce que traduit lâĂ©dito dâouverture de programme dâOlivier Py, directeur du festival depuis 2013. Il y Ă©nonce que lâobjectif artistique de lâĂ©dition 2019 est de dĂ©sarmer les solitudes ». Le metteur en scĂšne nomme la nĂ©cessitĂ© prĂ©sente du théùtre, qui nâa quâĂ ouvrir ses portes » pour faire acte de conscience politique ». Ainsi, face aux affres du consumĂ©risme et de la solitude contemporaine vĂ©hiculĂ©e entre autre par les rĂ©seaux sociaux, il rappelle quâĂȘtre ensemble ce nâest pas faire foule ou vibrer dâaffects refoulĂ©s, câest accepter une inquiĂ©tude commune et espĂ©rer le retour des mythes fondateurs ». Câest dans le charnier marin de la MĂ©diterranĂ©e quâun de ce mythes Ă©merge lâOdyssĂ©e. Olivier Py prĂ©sentant le programme du 70e Festival dâAvignon ©Marianne Casamance On compte ainsi de nombreux spectacles sur ce thĂšme comme O agora que demora / Le prĂ©sent qui dĂ©borde â Notre OdyssĂ©e II de Christiane Jatahy, sur et avec les exilĂ©s contemporains ou LâOdyssĂ©e de Blandine Savetier, mise en scĂšne du texte de HomĂšre en 12 Ă©pisodes quotidiens, et bien dâautres faisant appel aux mythes de la GrĂšce Antique. Mais une autre inquiĂ©tude appelle au retour dâun autre mythe, plus rĂ©cent celui-lĂ . Cette inquiĂ©tude câest celle de la menace prĂ©sente sans cesse dans lâactuel spectacle politico-mĂ©diatique de la montĂ©e des populismes », et le mythe Ă convoquer pour la palier lâEurope. Ou lâUnion europĂ©enne, on ne sait pas vraiment, la confusion sâentretient tout au long des propositions que nous allons aborder. Ainsi, face Ă ces inquiĂ©tudes rappelons que Olivier Py met en garde de ne pas faire foule ou vibrer dâaffects refoulĂ©s » auquel il prĂ©commande en remplacement le silence de la salle de théùtre permettant de percevoir le messianisme du collectif ». Ce parallĂšle religieux propre Ă Py se place donc comme un appel au calme au milieu dâune fureur ambiante qui ne peut, bien entendu, quâĂȘtre nuisible pour la dĂ©mocratie, et de se poser calmement face aux mythes fondateurs pour rĂ©flĂ©chir sur le prĂ©sent. Architecture, grandes performances et vues de lâesprit Câest la tĂąche que se confie Architecture, Ă©crit et mis en scĂšne par Pascal Rambert, dans la cruciale Cour dâHonneur du Palais des Papes. Cruciale car depuis quâil y a un Festival dâAvignon, chaque annĂ©e les regards se tournent vers le spectacle qui y est programmĂ© en ouverture. Câest celui dont France TĂ©lĂ©visions diffuse la captation, celui que tous les journalistes vont voir, celui dont tout le monde parle. Les critiques cette annĂ©e furent mitigĂ©es, soulignant un texte lourd, des comĂ©diens brillants dans un drame esthĂ©tiquement beau ou la vacuitĂ© dâun Ă©niĂšme spectacle comme celui-ci. Sur Avignon mĂȘme, le bouche-Ă -oreille des spectateurs penchait clairement vers la non-affection et les discussions sâanimaient plus par le temps tenu avant de quitter le spectacle dâune durĂ©e de quatre heures que par le sort tragique des personnages et ce quâil y a Ă en retenir. ScĂ©nographie de âArchitectureâ avant le dĂ©but du spectacle.©Martin Mendiharat Architecture narre lâhistoire dâune famille dâintellectuels viennois assistant Ă lâexplosion de la PremiĂšre Guerre Mondiale et Ă la montĂ©e du nazisme, mourant tous de prĂšs ou de loin Ă cause de ces deux Ă©vĂ©nements historiques. Pascal Rambert rĂ©unit une troupe de grands acteurs avec lesquels il a dĂ©jĂ travaillĂ© par le passĂ© Emmanuelle BĂ©art, Audrey Bonnet, Anne Brochet, Marie-Sophie Ferdane, Arthur Nauzyciel, Stanislas Nordey, Denis PodalydĂšs en alternance avec Pascal RĂ©nĂ©ric, Laurent Poitrenaux et Jacques Weber ainsi que BĂ©rĂ©nice Vanvincq, pour une courte apparition finale. Cette famille va sâentredĂ©chirer sur une multitude de sujets, tant personnels que philosophiques, tout en observant avec frisson les fracas de lâĂ©poque Ă laquelle elle assiste dans une grande croisiĂšre Ă travers lâEurope. Le spectacle a une radicalitĂ© formelle qui peut en elle-mĂȘme dĂ©plaire câest bien le propre de la radicalitĂ©, mais ne pĂȘche pas tant que ça par sa seule forme de longs discours » qui a pu lui ĂȘtre reprochĂ©. Lâexercice en tant que tel est plutĂŽt rĂ©ussi, multipliant les moments virtuoses comme une scĂšne dâorgasme cĂ©rĂ©bral entre Julie Brochen et Jacques Weber, la rage de Stanislas Nordey contre le conservatisme tyrannique de son pĂšre au moment de lui dire quâil est homosexuel ou les vocifĂ©rations troublantes et organiques de Laurent Poitrenaux. La force avec laquelle Nordey et Bonnet sâexprime dans la Cour dâHonneur du Palais des Papes, dĂ©passant lâamplification de leurs micros pour que leur voix nue rebondisse dâelle-mĂȘme sur les murs du bĂątiment est aussi impressionnante que la complicitĂ© amoureuse de cette derniĂšre avec Pascal RĂ©nĂ©ric ou Denis PodalydĂšs est belle. Tout comme lâesthĂ©tique dâensemble du spectacle Ă©mane une certaine grĂące avec ces personnages principalement vĂȘtus de blanc sâentredĂ©chirant ou constatant le monde sâenflammer depuis la splendeur vacillante de leur bourgeoisie. Le tout se dĂ©roule dans une scĂ©nographie Ă©purĂ©e uniquement composĂ©e de quelques meubles des styles novateurs de lâĂ©poque, qui passent une majeure partie de leur temps cachĂ©s sous des draps blancs sur un sol de la mĂȘme couleur, balayĂ©s par les bourrasques de la Cour dâHonneur. Enfin et surtout lâarchitecture gothique du lieu sert de cadre idĂ©al Ă cette famille dont le pĂšre architecte classique bĂątit lâEurope moderne qui sert de cadre au spectacle. Audrey Bonnet et Stanislas Nordey dans âClĂŽture de lâamourâ. ©Tania Victoria Il y a quelque chose dâintrospectif pour Rambert dans ce spectacle. Il rĂ©unit et Ă©crit pour les actrices et les acteurs qui ont portĂ© ses spectacles emblĂ©matiques de la derniĂšre dĂ©cennie comme ClĂŽture de lâamour Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, RĂ©pĂ©tition Emmanuelle BĂ©art, Audrey Bonnet, Denis PodalydĂšs, Stanislas Nordey, ou encore SĆurs Audrey Bonnet et Marina Hands, qui Ă©tait initialement prĂ©vue dans la distribution. La piĂšce est ponctuĂ©e de mĂ©ta-rĂ©fĂ©rences Ă son Ćuvre, non sans un certain humour Stanislas Nordey qui signifie Ă un de ses interlocuteurs quâil lâĂ©coute sans parler, rĂ©pĂ©tant immĂ©diatement ses mots Câest marrant, tâĂ©couter sans parler », allusion Ă la forme des spectacles de Rambert pouvant sâapparenter Ă des longs monologues que les personnages sâadressent, rapport radical Ă la parole que lâon peut voir hĂ©ritĂ© du Manifeste pour un nouveau théùtre de Pasolini. Ce travail sur la parole face au prĂ©sent, que Rambert dĂ©veloppe depuis une dizaine dâannĂ©es, tient ici un rĂŽle essentiel dans lâaction dramatique. Câest suite Ă une onomatopĂ©e triviale prononcĂ©e Ă voix haute par Nordey lors du discours de remise de mĂ©daille de son pĂšre jouĂ© par Jacques Weber que commence la piĂšce. Des sons Ă©mis par la parole mais sans aucun sens pour interrompre des discours conservateurs, telle est la rĂ©ponse que trouve ce fils philosophe face au rĂ©actionnaire vieillissant mais tout puissant quâincarne son pĂšre. Les limites dâun engagement de surface Il y a toujours une frontiĂšre tĂ©nue entre les propos poĂ©tiques et fictionnĂ©s que Rambert donne Ă ses personnages et le discours que portent ses piĂšces. Il ne sâembarrasse par exemple pas Ă nommer ses personnages autrement que par le prĂ©nom des acteurs pour lesquels il Ă©crit, si ce nâest leur surnom Stan ». Ainsi dans Architecture il sâagit aussi pour le metteur en scĂšne de 57 ans de faire Ă©tat de sa condition dâartiste et dâintellectuel face Ă ce quâil voit du prĂ©sent. Et câest lĂ que le bĂąt blesse. Non pas que sa maniĂšre de dĂ©crire, selon lui, comment un paysage dâintellectuels prĂ©fĂšre observer et commenter avec dĂ©dain ou frayeur le prĂ©sent le parallĂšle entre, comme nous le disions, la montĂ©e des populismes » et lâavĂšnement du nazisme, est ici Ă peine cachĂ© nâest pas rĂ©alisĂ©e avec une certaine justesse. Il sâagit sĂ»rement de lâexpression sensible de ce quâil ressent, lui, en haut de la pyramide institutionnelle du spectacle vivant mondial, et les personnes quâil frĂ©quente, constatant sans vraiment la comprendre la terrible montĂ©e des populismes ». Le problĂšme est lĂ lâabsence de rĂ©ponse au prĂ©sent, et surtout lâabsence de rĂ©elle remise en question. Dans lâentretien quâil donne pour la feuille de salle du spectacle, Rambert ne nie pas le parallĂšle entre la famille quâil dĂ©crit et lâEurope Cette dĂ©sunion est le reflet de leurs dĂ©saccords devant le grand pĂ©ril qui arrive. Comme elle ne sait pas sâunir, rien ne se passe. ». Rien ne se passe, et donc, câest la victoire du fascisme. Cette dĂ©faite de lâHumanitĂ© quâil prĂ©dit arriver Ă nouveau si rien ne se passe » tient donc de la seule inaction du cadre qui est sensĂ© lui rĂ©sister. Du reste, aucune analyse sur les raisons de la montĂ©e de cette vague effroyable, au XXe siĂšcle comme aujourdâhui, et encore moins de remise en question du cadre en lui-mĂȘme. Ce cadre est pourtant parfaitement incarnĂ© par la famille haute-bourgeoise du spectacle et nous rappelle les mots dâun intellectuel ayant lui aussi assistĂ© Ă lâĂ©clatement de la PremiĂšre guerre mondiale et Ă lâavĂ©nement du nazisme, Bertolt Brecht Dans un bref dĂ©lai, la bourgeoisie entiĂšre aura compris que le fascisme est le meilleur type dâĂtat capitaliste Ă lâĂ©poque prĂ©sente, comme le libĂ©ralisme Ă©tait le meilleur type dâĂtat capitaliste Ă lâĂ©poque antĂ©rieure. »1 Avec Architecture, Pascal Rambert nous offre un duplicata dans son style de nombreux spectacles se voulant engagĂ©s » et ne se cantonnant quâĂ la creuse constatation des grands poncifs politiques du prĂ©sent sur lesquels il divague poĂ©tiquement durant des heures. Il est ainsi curieux dans un spectacle nous rĂ©pĂ©tant constamment de nous souvenir de lâHistoire passĂ©e de ne pas voir apparaĂźtre cette mise en perspective. Ce nâest pas le sujet du spectacle nous dira-t-on, soit, concentrons-nous alors sur ce quâil dit du prĂ©sent. Pascal Rambert en 2015 ©Marc Domage Avec Architecture, Pascal Rambert nous offre un duplicata dans son style de nombreux spectacles se voulant engagĂ©s » et ne se cantonnant quâĂ la creuse constatation des grands poncifs politiques du prĂ©sent sur lesquels il divague poĂ©tiquement durant des heures. Cette poĂ©sie est sensĂ©e par sa force gĂ©nĂ©rer un quelconque soulĂšvement mais pas de foule, souvenons-nous que la foule, ici encore, est le bras armĂ© du fascisme qui arrĂȘtera par la force de lâesprit et des bonnes idĂ©es les dĂ©moniaques forces nationalistes qui menacent nos dĂ©mocraties. PassĂ© lâĂ©puisement et lâagacement de voir cette dĂ©marche si rĂ©currente ici consacrĂ©e dans la Cour dâHonneur du Palais des Papes, la question se pose du pourquoi. Postulons ceci Pascal Rambert a 57 ans aujourdâhui. Il a grandi durant la Guerre Froide, constamment confrontĂ© aux Ă©chos de la politique de masse, que ce soit dans lâURRS dont il a Ă©tĂ© le contemporain, ou par les rĂ©cits de ses parents, grands-parents qui ont connu la Seconde Guerre mondiale et ont Ă©galement Ă©tĂ© contemporains des pays fascistes dâalors. Il serait ainsi comprĂ©hensible de voir dans la gĂ©nĂ©ration de Rambert car il est loin dâĂȘtre le seul une frayeur de lâartiste osant prendre Ă bras le corps la question politique, osant toucher la notion dâidĂ©ologie », par peur de ressusciter les artistes propagandistes dâalors. Ainsi, alors que le prĂ©sent pousse irrĂ©mĂ©diablement Ă aller toucher la question politique dans lâart que nous pratiquons, cette peur de lâartiste sâintĂ©ressant rĂ©ellement Ă la politique gĂ©nĂšre une impasse dans les formes qui sont en rĂ©sultent. En voulant ardemment parler du prĂ©sent mais en refusant de dĂ©construire ses mĂ©thodes de fonctionnement, de sâintĂ©resser aux rapports de force, de causes Ă effet, Ă lâaction rĂ©elle des dirigeants politiques, aux analyses Ă©conomiques, sociologiques, politiques, il semble quâon ne peut aujourdâhui produire que des vues de lâesprit de ce dit prĂ©sent que lâon souhaite ausculter. Entendons-nous bien il ne sâagit pas lĂ de promouvoir uniquement un art didactique marxiste dâAgitâprop et de nier le sensible au théùtre en le substituant par la seule activitĂ© de lâesprit de comprendre des fonctionnements du monde contemporain. La poĂ©sie a plus que jamais sa place sur nos scĂšnes, mais lorsquâil sâagit dâaborder plus ou moins directement un aspect de notre prĂ©sent politique, elle se doit dâĂȘtre expĂ©rience dâaltĂ©ritĂ© pour le spectateur et pour lâartiste. Olivier Py dit quâil veut dĂ©sarmer les solitudes », donc aller vers lâautre. Or, lâexercice que nous voyons lĂ nâest que sublimation dâune vision autocentrĂ©e. Ă aucun moment ce fameux peuple qui porte les fascistes au pouvoir nâa la parole. Le seul personnage parlant du peuple et sâen revendiquant est le journaliste dĂ©magogue jouĂ© par Laurent Poitrenaux lorsquâil dĂ©cide de soutenir la guerre dans son journal et de hurler que le peuple veut la guerre, que le peuple veut la violence et que lui parle du peuple. VoilĂ , le seul moment oĂč le peuple » est citĂ©. Certes, on peut se douter quâil y a du recul Ă avoir vis-Ă -vis de la vision du peuple quâa ce personnage, mais il nâempĂȘche que câest la seule et unique image quâon nous en donne. Olivier Py dit quâil veut dĂ©sarmer les solitudes », donc aller vers lâautre. Or, lâexercice que nous voyons lĂ nâest que sublimation dâune vision autocentrĂ©e. Ă aucun moment ce fameux peuple qui porte les fascistes au pouvoir nâa la parole. Lâaporie principale que lâon peut constater ici, gĂ©nĂ©rĂ©e par cette peur profonde de la masse et de lâartiste osant faire de la politique, est lâabsence dâouverture constructive Ă retirer de ce spectacle. Sa conclusion en est lâapogĂ©e aprĂšs la mort de tous les personnages, une jeune actrice, BĂ©rĂ©nice Vanvincq, jouant Viviane la fille dâAudrey Bonnet et Pascal RĂ©nĂ©ric/Denis PodalydĂšs dans la piĂšce Ă noter quâelle est la seule Ă ne pas se faire appeler par son vrai prĂ©nom, entre, portant un sac Hello Kitty » et erre au milieu des cadavres de ses prĂ©dĂ©cesseurs. Elle sâavance jusquâĂ un micro placĂ© au milieu de la scĂšne et dit Quand vous avez dit Nous entrons dans des temps auxquels nous nâavions pas pensĂ© », je nâai pas compris, quâest-ce que ça voulait dire ? », faisant rĂ©fĂ©rence Ă des mots prononcĂ©s par Audrey Bonnet quelques temps avant, puis noir et fin du spectacle. La seule ouverture ici donnĂ©e est une leçon de morale Ă une jeunesse dĂ©crite comme inconsciente, qui nâaurait pas mĂȘme pas compris le thĂšme rabĂąchĂ© durant les quatre heures de spectacles gare au fascisme. Lâordre est donnĂ© de faire quelque chose. Quoi ? On ne sait pas, câest visiblement trop tard pour cette gĂ©nĂ©ration qui se retire du combat. Nous lâEurope, banquet des peuples, une certaine vision de lâhistoire europĂ©enne Si Architecture pĂšche par manque de volontĂ©, un autre spectacle cette fois-ci saluĂ© par la critique en contraste avec la proposition de Rambert, offre une vision bien particuliĂšre de lâhistoire politique contemporaine. Il sâagit de Nous lâEurope, banquet des peuples, dâaprĂšs le texte Ă©ponyme de Laurent GaudĂ© Prix Goncourt 2004 pour Le Soleil des Scorta publiĂ© chez Actes Sud cette annĂ©e, mis en scĂšne par Roland Auzet, compositeur et metteur en scĂšne de théùtre musical. Le spectacle créé pour le Festival dâAvignon dans la Cour du LycĂ©e Saint-Joseph se propose de raconter et de questionner lâhistoire de lâEurope Ă partir de lâessai/poĂšme de GaudĂ©. Il est portĂ© par 11 acteurs/chanteurs de nationalitĂ©s diffĂ©rentes et dâun chĆur composĂ© de professionnels et dâamateurs de la rĂ©gion dâAvignon. Le spectacle se veut rĂ©explorer lâhistoire de lâEurope par le biais du Nous ». Roland Auzet dit Nous ne cherchons pas Ă faire le procĂšs de lâHistoire, plutĂŽt Ă saisir ce qui dans son flot nous rassemble. Y parvenir, câest dĂ©finir une utopie Ă mĂȘme de nous accompagner dans les annĂ©es qui viennent⊠sinon ce sera la catastrophe. » Laurent GaudĂ©, auteur de âNous lâEurope, banquet des peuplesâ, ©ÎΊΠLe ton est donnĂ©. Il Ă©tait relativement prĂ©visible que le spectacle soit bienveillant vis-Ă -vis de la construction europĂ©enne. La forme musicale, Ă partir dâun dispositif immersif de musique acousmatique, aurait pourtant pu apporter lâaltĂ©ritĂ© nĂ©cessaire pour ne pas imposer de rĂ©ponse formatĂ©e aux questions actuelles quant Ă lâEurope. Les premiers mots du spectacle sont ainsi une tirade rythmique sur le bafouement du Non » au RĂ©fĂ©rendum de 2005 suite Ă la ratification par Sarkozy du TraitĂ© de Lisbonne deux ans plus tard, expliquant que la dĂ©fiance populaire française vis-Ă -vis de lâUnion europĂ©enne vient de lĂ . PlutĂŽt juste. La suite de la premiĂšre partie questionne la naissance de lâidĂ©e dâEurope au 19e siĂšcle, Ă travers un enchaĂźnement de prises de paroles et tableaux oĂč les comĂ©diens portent les mots de GaudĂ©. Plusieurs points de vue se confrontent le Printemps des peuples de 1848, lâĂ©mergence des chemins de fer Ă partir de 1830 reliant les pays mais allant de pair avec lâĂ©merge du capitalisme exploitant avec une impressionnante sĂ©quence sur les Gueules noires, ou encore la ConfĂ©rence de Berlin de 1885, premier sommet Ă©conomique europĂ©en ayant pour but dâorganiser la division coloniale de lâAfrique. Un personnage rappelle que lâAllemagne a expĂ©rimentĂ© le systĂšme concentrationnaire et la politique dâextermination en Namibie. Il cite les diffĂ©rents responsables des horreurs coloniales suivis de lâinjonction Crachez sur son nom » dans une litanie de plus en plus furieuse et est Ă©trangement calmĂ©e par lâensemble des autres comĂ©diens se rapprochant de lui. On peut donc parler de ces criminels mais il ne faut pas trop sâĂ©nerver face Ă lâhorreur de leurs actions. Soit. Puis vient lâhorreur nazie, la complexitĂ© pour lâAllemagne de se reconstruire pour des gĂ©nĂ©rations se demandant si leurs parents nâĂ©taient pas des SS avec une puissante chanson lâactrice/chanteuse allemande Karoline Rose Ă ce sujet. Et puis pause. La lumiĂšre se rallume, le chĆur et les comĂ©diens reviennent tous sur scĂšne. Câest le moment du grand tĂ©moin. Ce moment a fait parler dans la presse câest celui oĂč François Hollande est montĂ© sur scĂšne lors de la premiĂšre du spectacle le 6 juillet. Des grands tĂ©moins aux grandes ressemblances Chaque soir est donc invitĂ© un grand tĂ©moin de la construction europĂ©enne » Ă qui est posĂ© quelques questions, les mĂȘmes chaque soir. AprĂšs François Hollande, ce furent AurĂ©lie Filipetti, Susan George, Aziliz Gouez, Ulrike GuĂ©rot, Pascal Lamy, Eneko Landaburu, Enrico Letta, GeneviĂšve Pons et Luuk van Middelaar qui furent conviĂ©s. Câest Ă ce moment que la diversitĂ© de points de vue commence Ă sâeffriter, avec un spectre de couleur politique des intervenants relativement rĂ©duit. On identifie donc François Hollande, AurĂ©lie Filipetti et Pascal Lamy issus du Parti Socialiste, ainsi quâAziliz Gouez issue de Place Publique et sur la liste de RaphaĂ«l Glucksmann aux Ă©lections europĂ©ennes, Eneko Landaburu du PSOE espagnol, Enrico Letta du Parti DĂ©mocrate italien, GeneviĂšve Pons, directrice de bureau de lâInstitut Jacques-Delors, think-tank de centre-gauche europĂ©en dont Letta est lâactuel prĂ©sident et dont font partie toutes les personnalitĂ©s que nous venons de citer. Lâonce de variation politique se veut ĂȘtre incarnĂ©e par Ulrike GuĂ©rot, ancienne collaboratrice du porte-parole de la CDU allemande et qui collabore ponctuellement avec lâInstitut Jacques-Delors, Susan George, co-fondatrice dâATTAC et proche de Nouvelle Donne, alliĂ© du PS aux derniĂšres Ă©lections, et Luuk van Middelaar, philosophe néérlandais membre de cabinet dâHerman Van Rompuy, prĂ©sident conservateur du Conseil EuropĂ©en de 2010 Ă 2014. Chaque soir est donc invitĂ© un grand tĂ©moin de la construction europĂ©enne » Ă qui est posĂ© quelques questions, les mĂȘmes chaque soir. Câest Ă ce moment que la diversitĂ© de points de vue commence Ă sâeffriter, avec un spectre de couleur politique des intervenants relativement rĂ©duit. François Hollande aux 20 ans de lâInstitut Jacques-Delors. ©David Pauwels Lors de la reprĂ©sentation Ă laquelle nous avons assistĂ©, ce fĂ»t Ă Aziliz Gouez que la parole a Ă©tĂ© donnĂ©e pour une tribune dâune quinzaine de minutes trĂšs similaire aux discours de sa liste aux europĂ©ennes plaidant pour une Europe des peuples avec quelques Ă©lans politiques sans grande prĂ©cision et diverses contradictions dans un discours visiblement prĂ©parĂ© Ă lâavance. Elle indique rĂȘver dâune Europe qui ne sera pas pensĂ©e par les bureaucrates », pour ensuite dire que le moment oĂč elle sâest sentie la plus europĂ©enne Ă©tait⊠une rĂ©union de bureaucrates europĂ©ens pour la rĂ©daction dâun discours avec ses partenaires allemands lâEurope quâelle connaĂźt mieux », celle du couple franco-allemand. Elle rĂȘve dâune Europe oĂč il nây a pas que les Ă©tudiants qui circulent entre les pays, mais aussi les apprentis car il y a les mains aussi », et pas un mot sur le dumping social. Les spectateurs applaudissent avec enthousiasme. Un rĂ©cit officiel, partiel et inquiĂ©tant La deuxiĂšme partie du spectacle raconte la construction de lâUnion europĂ©enne telle que nous la connaissons aujourdâhui. Ou plus prĂ©cisĂ©ment la version mainstream de la construction de lâUnion europĂ©enne. Une Union pensĂ©e suite aux affres des foules dogmatiques de la Seconde Guerre mondiale et contre les barbelĂ©s dâAllemagne de lâEst. On pointe ses quelques difficultĂ©s de fonctionnement comme sa lenteur de prise de dĂ©cision politique. Quelques minutes sont attribuĂ©es aux deux grands Ă©checs admis de lâUE la guerre de Yougoslavie et la crise grecque. Cela dit, aucun nom nâest citĂ© cette fois-ci, et ces deux moments ne durent pas plus de quelques minutes. Lâensemble est vite noyĂ© dans un relativisme inquiĂ©tant, disant quâaprĂšs tout câest compliquĂ© de se mettre dâaccord Ă 27 dans le syndic de son immeuble », alors imaginez Ă lâĂ©chelle de lâEurope ! Et quâaprĂšs tout, câest beau 27 pays qui font converger leurs intĂ©rĂȘts Ă©conomiques », dĂ©claration que de nombreux Ă©conomistes pourraient contester non pas sur la beautĂ© mais la convergence. Le spectacle se termine sur un questionnement sur lâOde Ă la joie de Beethoven comme hymne europĂ©en, qui nâest selon les personnages pas trĂšs entraĂźnant et ne donne pas envie de se lever pour lui. Ils choisissent alors Hey Jude des Beattles, repris en chĆur en invitant les spectateurs Ă venir danser dessus en claquant des mains au dessus de leur tĂȘte pour terminer le spectacle. Une Ă©trange scĂšne finale bouffie de bons sentiments proche de la messe, oĂč les spectateurs peinent Ă avoir envie de venir danser sur scĂšne mais offrent une standing ovation au spectacle. Sans faire la sociologie du spectateur du festival dâAvignon ravi de sa soirĂ©e, ce spectacle est pour le moins inquiĂ©tant. On peut retenir de nombreuses trouvailles esthĂ©tiques et autres moments trĂšs beaux, mais la construction dramaturgique mĂȘme du spectacle finit par ĂȘtre propre Ă la construction de lâUnion europĂ©enne ordolibĂ©rale actuelle. Le rĂ©cit qui est fait est celui que cette derniĂšre raconte lâUnion sâest construite sur les ruines des dictatures que les foules passionnĂ©es avait mises au pouvoir et elle est la seule garante pour empĂȘcher la montĂ©e des populismes ». Aucune vision critique de son fonctionnement, aucune allusion aux autres rĂ©fĂ©rendums quâelle a bafouĂ©s, Ă aucun moment les Ătats-Unis dâAmĂ©rique ne sont citĂ© dans la construction de lâEurope post-Seconde Guerre mondiale. LâexpĂ©rience dâaltĂ©ritĂ© se base uniquement sur une distribution dâacteurs de diffĂ©rentes nationalitĂ©s mais qui tiennent au final le mĂȘme discours de surface. Du reste, on se contente de taper des mains pour cĂ©lĂ©brer tous ensemble le mythe de cette Europe qui nous protĂšge des dictateurs. On note plusieurs moments reconstituant les interrogatoires complexes et violents auxquels sont soumis les migrants en arrivant vraisemblablement en France, mais sans explorer plus loin la crise migratoire. Le rĂŽle du chĆur, grand groupe de personnes de divers Ăąges et divers origines, est aussi caractĂ©ristique il nâest prĂ©sent que pour la grande image du dĂ©but, pour entourer le grand tĂ©moin et pour la chant collectif final, hormis quelques enfants qui en sont issus venant parfois faire les figurants. Du reste, ils sont cantonnĂ©s sur les cĂŽtĂ©s, assis pour accompagner discrĂštement le grand rĂ©cit de lâEurope. LĂ encore, on retrouve cette peur de la foule. Ă lâexception prĂšs du moment oĂč il faut chanter en chĆur pour lâUnion europĂ©enne oĂč, spĂ©cifiquement Ă cet instant, il faut faire masse. Alors quâon vient de nous dire que lâEurope sâest construite aprĂšs les ravages des pays oĂč des foules scandaient la mĂȘme chose ? Un des acteurs se met mĂȘme Ă entonner Banquet des peuples ! Banquet des peuples ! » comme un slogan politique, que personne ne reprend, mais quâil essaye une seconde fois en agitant ses bras pour faire signe de reprendre avec lui. Ătrange paradoxe. On se doute quâil aurait Ă©tĂ© compliquĂ© de laisser le public intervenir pour poser ne serait-ce quâune question au grand tĂ©moin quoi que ?, mais le format vĂ©hiculĂ© par le spectacle reste celui oĂč une masse silencieuse reçoit un discours monolithique et didactique sur un cadre politique qui, certes nâest pas parfait, mais aprĂšs tout reste mieux que le fascisme. DĂšs quâil sâagit du prĂ©sent, encore une fois aucune analyse, aucun questionnement, aucune remise en question nâest faite sur pourquoi les nationalistes montent. LâexpĂ©rience dâaltĂ©ritĂ© se base uniquement sur une distribution dâacteurs de diffĂ©rentes nationalitĂ©s mais qui tiennent au final le mĂȘme discours de surface. Du reste, on se contente de taper des mains pour cĂ©lĂ©brer tous ensemble le mythe de cette Europe qui nous protĂšge des dictateurs. Lâactuelle vacuitĂ© des spectacles se voulant politiques » ? Ces deux spectacles phares de la 73 Ă©dition du Festival dâAvignon sont caractĂ©ristiques dâune impasse dans laquelle nombre de spectacles produits dans les grandes institutions qui peuvent Ă©galement parfois ĂȘtre vecteurs dâinnovations tombent. Celui, au final, de ne reproduire que le diptyque gouvernemental dĂ©fendre le cadre actuel ou ce sera le chaos. AmĂ©liorer le libĂ©ralisme ou ça sera le fascisme. MĂȘme les spectacles se voulant moins tendres avec le pouvoir DĂ©votion de ClĂ©ment Bondu ou Le prĂ©sent qui dĂ©borde, de Christiane Jatahy se heurtent encore Ă la seule critique triste. Ces spectacles ont une volontĂ© de parler du prĂ©sent politique et historique qui peut ĂȘtre belle, mais confrontĂ©e Ă lâirrĂ©mĂ©diable plafond de verre du manque de volontĂ©, de regard, et dâanalyse politique du monde dĂ©bouchant Ă une absence dâouverture sur autre chose. Ils ne font que confirmer ce quâanalyse Olivier Neveux dans son rĂ©cent et trĂšs pertinent Contre le théùtre politique Se satisfaire de rĂ©citer que le théùtre est par essence politique », assurer que le théùtre est politique ou il nâest pas théùtre », produit chaque fois le mĂȘme effet Ă©vincer la politique. »2 Toute autre rĂ©ponse politique au prĂ©sent, sans pour autant vouloir donner de solution miracle, est ici niĂ©e par manque de reprĂ©sentation. On se retrouve avec un festival voulant dĂ©sarmer les solitudes qui se sâavĂšre surtout ĂȘtre une machine Ă broyer les imaginaires. PlutĂŽt que dâappeler aux mythes passĂ©s pour resserrer un prĂ©sent dĂ©faillant, pourquoi ne pas imaginer de nouvelles histoires et de nouveaux mythes ? Ne pas faire foule ou vibrer dâaffects refoulĂ©s » est bien le cul de sac discursif dans lequel lâactuelle direction du festival fonce en niant constamment le cri qui habite une frange de la population qui nâen peut plus. Ă lâimage de la poitrine gauche dâOlivier Py qui arborait un badge SOS MĂ©diterranĂ©e » dans les salles du Festival, et quelques mois plus tĂŽt la LĂ©gion dâhonneur dans les bras de Brigitte Macron, les quelques indignations pour cocher les cases du minimum syndical dâun art voulant parler du prĂ©sent ne peuvent plus suffire sans aller explorer ses racines et ouvrir la voie sur dâautres futurs. Concert Ă la Maison Jean Vilar dâune partie du groupe MaulwĂŒrfe, formĂ© suite au spectacle âLa Nuit des taupesâ de Philippe Quesne. ©Martin Mendiharat Mais le spectacle vivant nâest pas pour autant politiquement mort. Citons par exemple les 12 heures de la scĂ©nographie que la Maison Jean Vilar accueillait le 10 juillet en Ă©chos au brillant retour de la France Ă la Quadriennale de ScĂ©nographie de Prague. Ă travers des lectures, une exposition, une table ronde autour du thĂšme Mondes imaginaires, mondes possibles » et mĂȘme une DJ Set du groupe de taupes MaulwĂŒrfe, quelques heures furent consacrĂ©es Ă comment imaginer demain et comment le spectacle vivant pouvait y contribuer par ses nĂ©cessaires capsules de fiction » comme lây a dit Philippe Quesne. Du reste, la programmation de cette annĂ©e est loin dâavoir fait lâunanimitĂ©. Que ce soit dans les rues, aux terrasses des cafĂ©s ou dans les heures plus festives de la nuit, nombres de jeunes ou moins jeunes artistes et spectateurs prĂ©sents au Festival avaient pour sujet de discussion la lassitude de cette bien-pensance théùtrale et une aspiration Ă autre chose. Nâen dĂ©plaise Ă Olivier Py, sa volontĂ© de dĂ©sarmer les solitudes aura peut-ĂȘtre plutĂŽt, Ă lâimage dâune des multiples inscriptions qui fleurissaient de nuits en nuits sur les murs dâAvignon, donnĂ© lâenvie que lâon arme nos solitudes ». Bertolt, Plateforme pour les intellectuels de gauche », In Ăcrits sur la politique et la sociĂ©tĂ©, LâArche, 1970 Olivier, Contre le théùtre politique, La Fabrique, 2019
Nous lâEurope, Banquet des peuples, spectacle polyphonique, fait du public une assemblĂ©e de poĂštes-citoyens, acteurs dâun changement. Une mosaĂŻque de langues pour une Europe plurielle, oĂč lâart fortifie le politique, avec le vĆu que celui-ci considĂšre lâexistence de chacun. A chaque soirĂ©e une personnalitĂ© est invitĂ©e Ă venir dialoguer avec les acteurs.
Lâune des crĂ©ations les plus attendues de ce Festival dâAvignon 2019 Ă©tait Nous, lâEurope, Banquet des Nations, spectacle prĂ©sentĂ© dans la Cour du LycĂ©e Saint-Joseph. Alors que dans la Cour dâHonneur du Palais des Papes Pascal Rambert et ses acteurs soulevaient la question du nationalisme Ă travers le portrait dâune famille dâartistes de la veille de la PremiĂšre Guerre mondiale Ă celle de la Seconde, Laurent GaudĂ© et Roland Auzet choisissent de traiter la mĂȘme problĂ©matique Ă lâĂ©chelle europĂ©enne et non intime, avec des comĂ©diens de toute nationalitĂ©s. Ces spectacles sont comme lâenvers lâun de lâautre, leurs dĂ©fauts et leurs qualitĂ©s paraissant symĂ©triquement opposĂ©s si lâon en croit les retours qui ont entourĂ© lâaccueil dâArchitecture. Alors que la derniĂšre Ćuvre de Rambert est taxĂ©e dâĂȘtre bavarde mais que le jeu de ses acteurs est chaque fois louĂ©, la langue de GaudĂ© se distingue Ă nouveau par sa beautĂ© et sa justesse, au point presque de menacer toute possibilitĂ© de jeu pour les acteurs. Le 13 juillet au soir, le mistral souffle et fait sâenvoler les matelas posĂ©s avec la rĂ©gularitĂ© des croix dans les cimetiĂšres normands. Les rĂ©gisseurs qui viennent chaque fois les replacer ne rĂ©ussissent pas Ă les discipliner, et les matelas continueront de se dĂ©placer mĂȘme une fois le spectacle commencĂ©. Les acteurs, les chanteurs et le musicien qui sâinstalle Ă jardin derriĂšre sa batterie finissent nĂ©anmoins par arriver et occuper cet espace dâemblĂ©e troublĂ©, et crĂ©ent aussitĂŽt un effet de masse. Ils sont en effet 11 comĂ©diens, un chĆur, une maĂźtrise, et un autre chĆur de chanteurs amateurs. Toutes les couleurs quâils portent, les styles dâhabits quâils affichent et les Ăąges quâils laissent deviner donnent Ă voir une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© authentique. Pas un melting pot stylisĂ©, faux, mais bel et bien un Ă©chantillon, dont on ne sait pas exactement encore ce quâil reprĂ©sente Ă part nous-mĂȘmes. Quand commencent Ă parler les acteurs, cette diversitĂ© qui coexiste sur le plateau se confirme. Ils parlent français, anglais, polonais, espagnol, italien, arabe, portugais⊠bref une bonne partie des langues qui se parlent aujourdâhui en Europe. Micro HF Ă la joue, les acteurs sâattaquent Ă elle et la questionnent commençant par lâĂ©pisode le plus critique, ou du moins le plus actuel le Brexit, jamais nommĂ©, nĂ© dâun Non retentissant qui nâa toujours pas Ă©tĂ© actĂ©, que les autoritĂ©s en charge tentent de transformer en Oui, comme si le Non nâavait pas Ă©tĂ© entendu, ne convenait, nâavait Ă©tĂ© que la consĂ©quence dâune menace que lâon nâose pas exĂ©cuter. Câest Emmanuel Schwartz qui soulĂšve les contradictions de cette situation, et Ă©pice dâune touche de comique son absurditĂ© par le sel de sa personnalitĂ©. AprĂšs lui, Thibault Vinçon prend la parole et demande aux autres dâoĂč ils se sentent, et les amĂšne Ă dĂ©cliner les cercles concentriques de la gĂ©ographie qui les dĂ©finit. Ainsi commence le long poĂšme » de Laurent GaudĂ©, dĂ©signĂ© ainsi par lâauteur et le metteur en scĂšne alors que le titre du spectacle Ă©voque le genre du banquet, repas dâapparat mais aussi discussion Ă teneur philosophique dans la lignĂ©e de Platon. Le mot poĂšme met pluĂŽtt lâaccent sur la qualitĂ© de la langue de GaudĂ©, une langue Ă part, Ă la fois prĂ©cisĂ©ment Ă©crite et en mĂȘme temps intrinsĂšquement orale, qui appelle la mise en voix mais qui ne peut ĂȘtre articulĂ©e que de biais, entre le public, avec le soutien dâun micro, et les partenaires qui occupent le plateau, qui ne sont pas vraiment des interlocuteurs, encore moins des personnages, Ă peine des supports de cette parole qui se tient toute seule. Ce poĂšme donc, est scandĂ© par le chant â les choristes de lâOpĂ©ra du Grand Avignon restent tout au long du spectacle sur les cĂŽtĂ©s de la scĂšne quand ils ne viennent pas ponctuellement recrĂ©er lâeffet de masse initial â et par des intertitres projetĂ©s sur le panneau qui sert de fond, qui mettent en Ă©vidence la trajectoire historique suivie. Depuis le Brexit, les acteurs se mettent en quĂȘte du dĂ©but de lâEurope, de lâidĂ©e dâEurope aujourdâhui nommĂ©e Union EuropĂ©enne. On pense aussitĂŽt Ă lâaprĂšs-Seconde Guerre mondiale, mais GaudĂ© remonte plus loin, en 1848. Il voit dans le Printemps des peuples », les rĂ©volutions qui agitent en mĂȘme temps la France, lâAllemagne, lâItalie, la Hongrie, la Pologne et lâAutriche, les revendications similaires des travailleurs de pays diffĂ©rents, la naissance dâune conscience transfrontaliĂšre. Ceci posĂ©, il remonte encore le temps et propose Ă©galement 1830, lâinvention du chemin de fer, qui raccourcit les distances, fait gagner du temps, accĂ©lĂšre lâindustrialisation et envahit bientĂŽt toute lâEurope jusquâĂ la constituer en rĂ©seau. DostoĂŻevski, qui voyait dans cette invention une menace pour la civilisation russe, lâĂ©toile absinthe » de lâapocalypse que promet dâĂȘtre le XXe siĂšcle, aurait approuvĂ© ce point de dĂ©part â mais pour dĂ©plorer la suite. GaudĂ©, lui, sâen sert pour rejoindre le prĂ©sent de guerre en crise. Il Ă©voque la colonisation, le moment oĂč les pays riches se sont mis dâaccord pour se disputer la part du gĂąteau africain se posant comme seule rĂšgle de respecter les limites dâune autre influence », oĂč lâexploitation sâest substituĂ©e Ă lâesclavage, oĂč le Congo est devenu la propriĂ©tĂ© privĂ©e du roi des belges. Puis la montĂ©e du nationalisme Ă la veille des deux Guerres mondiales, la CommunautĂ© du Fer et de lâAcier, la Guerre froide, la guerre de Bosnie, et ainsi jusquâaux crises migratoires dâaujourdâhui. Mais GaudĂ© ne rappelle pas ces drames de lâhistoire pour critiquer lâEurope. Il veut au contraire rappeler lâutopie quâelle a Ă©tĂ©, les principes qui lâont fondĂ©e, ses valeurs dâorigine qui sont indiscutables la libertĂ© dâexpression, lâĂ©galitĂ©, lâabolition de la peine de mort, imposĂ©s comme prĂ©alables Ă la mise en place de la libre circulation et de la coopĂ©ration Ă©conomique. Pour ancrer le propos de GaudĂ©, le metteur en scĂšne Roland Auzet a choisi dâinviter chaque soir une personnalitĂ© diffĂ©rente qui a jouĂ© un rĂŽle dans le maintien et la dĂ©fense de lâUnion EuropĂ©enne. Le 13 juillet, lâinvitĂ© dâhonneur Ă©tait Eneko Landabaru, qui a fait partie de la Commission europĂ©enne, notamment en tant que Directeur gĂ©nĂ©ral de la Politique rĂ©gionale et de cohĂ©sion de la CommunautĂ©, et qui est aujourdâhui dĂ©putĂ© du Parlement basque. LâĂ©cartĂšlement dans lequel ses fonctions lâont pris entre la dĂ©fense de lâEurope et celle de lâidentitĂ© basque en dit long sur sa vision de lâEurope, non pas comme uniformisation des diffĂ©rences mais coexistence des richesses culturelles. Quand Eneko Landabaru monte sur scĂšne et prend le micro quâon lui tend, ce qui distingue une prise de parole artistique dâune prise de parole politique saute aux yeux. Sa façon de parler, de se tenir sur scĂšne, sont bien celles dâun homme politique. NĂ©anmoins, il nâest pas ici pour ĂȘtre jugĂ©, critiquĂ©, pointĂ© du doigt, mais au contraire accueilli comme un expert de la question, aussi porteur de rĂȘves et de regrets. Le plus grand regret quâil avoue rĂ©sonne avec force il est celui dâavoir fondĂ© lâEurope sur des principes avant tout Ă©conomiques, alors que dâautres choses auraient pu constituer un ferment plus sĂ»r pour lâUnion. Dâautres choses comme la culture. Le projet de GaudĂ© et Roland Auzet est justement de remĂ©dier Ă ce manque. Dans les notes dâintentions et entretiens qui entourent le spectacle, ils disent en effet cette ambition dĂ©mesurĂ©e de construire le rĂ©cit europĂ©en », de rĂ©pondre au besoin de rĂ©cit capable de fonder le sentiment dâappartenance qui selon eux fait aujourdâhui dĂ©faut Ă lâEurope â besoin de rĂ©cit qui transparaĂźt Ă chaque page du vaste catalogue du Festival Off⊠Pour construire ce rĂ©cit, ils Ă©crivent donc ensemble une histoire europĂ©enne qui se dit en plusieurs langues, en musique et en chant, et avec un peu de danse grĂące Ă Artemis Stavridi, trop peu mise Ă contribution. Ce qui est dommage dans ce vaste projet théùtral, câest quâil manque de théùtre justement, de corps et dâimages créées dans le temps unique de la reprĂ©sentation, qui pourraient servir de base Ă une sensibilitĂ© commune. Celles qui sont esquissĂ©es manquent de puissance, ne sont pas Ă la hauteur des mots de GaudĂ©, qui touchent profondĂ©ment quoique trop rapidement dans le flux du spectacle, de sa langue douĂ©e de formules qui loin de simplifier placent au cĆur des contradictions et mettent sur la voie de la complexitĂ© de lâhistoire et du prĂ©sent. Se fiant au texte de GaudĂ©, bien structurĂ©, bien rythmĂ©, parfois imprĂ©visible alors quâil paraĂźt suivre le cours de lâhistoire, qui se permet des dĂ©tours et des retours, Roland Auzet se donne en effet surtout pour tĂąche de diriger les comĂ©diens pour quâils sâemparent de ce poĂšme, quâils accompagnent de leur Ă©nergie cette langue Ă©pique. Ils y rĂ©ussissent et arrivent sans peine Ă nous entraĂźner dans cette Ă©popĂ©e, sans que lâon sache bien jusquâoĂč on ira comme ça. Car le problĂšme de ce voyage est bien de lâachever, de ramener Ă lâactualitĂ©, de lâouvrir au prĂ©sent. Alors que les chants du poĂšme de GaudĂ© disent Ă tout instant que chaque Ă©tape de constitution de lâEurope a Ă©tĂ© plurivoque, polyphonique, complexe, que les diffĂ©rentes langues des acteurs et les bouts dâhistoire quâils laissent entrevoir ont soulignĂ© la spĂ©cificitĂ© europĂ©enne, sa diversitĂ© qui est sa fragilitĂ© autant que sa force, le spectacle dâAuzet se termine littĂ©ralement Ă lâunisson. Il se laisse sĂ©duire par la facilitĂ© du chant en chĆur, qui nâest plus remarquable par toutes les voix diffĂ©rentes quâil fait entendre mais par lâeffet galvanisant quâil produit quand tout le monde chante les mĂȘmes notes en mĂȘme temps. Proposant de substituer Ă lâHymne Ă la joie un peu plan-plan une chanson connue de tous dont la mĂ©lodie entĂȘtante devrait rĂ©ussir Ă rĂ©insuffler Ă tous les pays dâEurope, mais surtout Ă tous les EuropĂ©ens, le mĂȘme Ă©lan qui manque aujourdâhui Ă faire vivre lâutopie europĂ©enne, les acteurs invitent les spectateurs Ă monter sur scĂšne et Ă sâunir Ă eux pour crĂ©er le mouvement dont lâEurope a besoin pour survivre. Lâentreprise est sĂ©duisante, mais malgrĂ© ce que dit GaudĂ©, on a du mal Ă croire quâune chanson fera la diffĂ©rence, et on prend le risque de passer pour sceptique en nâadhĂ©rant pas pleinement, convaincus quâau chant il aurait fallu prĂ©fĂ©rer des images et des corps plus prĂ©sents sur scĂšne, qui auraient pu prolonger la rĂ©flexion et lui donner le relief de la sensibilitĂ©. A dĂ©faut de cela, resteront de ce banquet les mots de GaudĂ© et la force avec laquelle les acteurs auront cherchĂ© Ă les faire retentir dans le mistral. F. Pour en savoir plus sur Nous, lâEurope⊠», rendez-vous sur le site du Festival dâAvignon.
0UW1kq. h5ukcoi29s.pages.dev/286h5ukcoi29s.pages.dev/80h5ukcoi29s.pages.dev/208h5ukcoi29s.pages.dev/552h5ukcoi29s.pages.dev/551h5ukcoi29s.pages.dev/447h5ukcoi29s.pages.dev/10h5ukcoi29s.pages.dev/385
nous l europe banquet des peuples critique